Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
Jurisprudence sur l'identification animale

Mise en oeuvre de l'article L221-4

23/08/2017

L'article L221-4 du code rural et de la pêche maritime prescrit l'envoi à l'abattoir de tout bovin, ovin ou caprin non identifié. Ses modalités d'application sont fermement encadrées mais restent délicates.

1 - Le I de l'article L221-4 du code rural et de la pêche maritime porte une grave atteinte au droit de propriété puisqu'il permet de disposer d'un bien appartenant à autrui non seulement en prenant la décision d'envoyer un animal à l'abattoir mais encore en exécutant d'office cette décision. Cette double exception aux principes constitutionnels est très surveillée par le juge administratif qui rappelle régulièrement l'importance qu'il accorde dans ce cas au formalisme, garant de la transparence et du respect des droits de la défense de l'administré propriétaire de l'animal.


Qu'est-ce qu'un animal non identifié?

2 - C'est un animal (bovin, ovin ou caprin exclusivement) qui n'est pas conforme aux dispositions prises en application des articles L. 212-6 à L. 212-8 et de l'article L. 681-5 ou d'un règlement communautaire, ou n'est pas accompagné des documents prévus par les textes pris pour leur application. En clair, il ne porte pas un des moyens d'identification prévus par les textes d'application ou n'est pas accompagné de documents prévus par ces mêmes textes.

 

Qui met en demeure?

3 - L'article L221-4 précise que ce sont "les agents habilités à rechercher et constater les infractions ou manquements" aux dispositions d'identification des bovins, ovins et caprins qui mettent en demeure le détenteur de fournir les informations qui permettront éventuellement de ré-identifier les animaux. Ces agents sont les inspecteurs, ingénieurs, techniciens,.. du I de l'article L205-1 mais aussi les agents habilités à faire, en matière d'identification animale, des contrôles de conditionnalité et notamment les agents de l'Agence de services et de paiement. En effet la nouvelle rédaction de cet article introduite par l'ordonnance n°2015-616 du 4 juin 2015 - art. 4 ne se limite plus aux agents ayant une compétence judiciaire (constat des infractions) mais s'étend à ceux habilités à constater des manquements, ce que font les agents de l'ASP dans le cadre des contrôles de conditionnalité.

4 - Il est à noter que bien souvent ces mises en demeure sont signées par le préfet ou en vertu d'une délégation du préfet. Or le préfet ne fait pas partie des agents habilités à constater des infractions ou des manquements aux règles d'identification animale. Par conséquent la légalité de ces décisions pourrait utilement être contestée au motif de l'incompétence de l'auteur de l'acte.

 

Comment apporter la preuve de l'identité de l'animal?

5 - La loi prévoit que le détenteur est mis en demeure d'apporter "les informations nécessaires permettant de prouver l'identification de l'animal, son âge, son origine et son dernier lieu de provenance" (le règlement (CE) 494/98 du 27 février 1998  parle de "traçabilité"). En pratique l'apport de telles informations s'avère impossible sur un animal n'ayant jamais été identifié car il n'a jamais eu d'identification. Il est très difficile sur un animal ayant déjà été identifié. le recours aux test génétique permet d'établir des présomptions dont la force probante sur l'âge, l'origine et le dernier lieu de provenance sera toujours à la libre appréciation de l'administration.


De l'application du principe du contradictoire

6 - S'agissant de mesures administratives très dérogatoires du droit commun, on veillera scrupuleusement à l'application des procédures protectrices de l'administré et particulièrement au principe du contradictoire qui impose de soumettre le projet de mise en demeure à la réaction du détenteur. Le délai laissé pour formuler ses observations pourra être alors assez court (24 ou 48 heures).

 

De la nécessité d'un rapport de contrôle

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7 - Le Conseil d'État dans son arrêt 383355 du 12 février 2016 a jugé que l'article L221-4 ne pouvait être mis en œuvre que sur la base d'un rapport établi conformément à l'article 1er du règlement UE 1082/2003 23 juin 2003 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 1760/2000 qui prévoit un "compte rendu normalisé au niveau national, exposant les résultats du contrôle et toute conclusion insatisfaisante, le motif du contrôle et les noms des personnes présentes. Le détenteur ou son représentant doivent avoir la possibilité de signer le compte-rendu et, le cas échéant, d'y consigner leurs observations quant à leur contenu". Il est à noter que ce règlement ne  concerne que les bovins. Cependant l'article 6 du règlement 1505/2006 du 11 octobre 2006 prévoit le même type de disposition pour les ovins et les caprins.

8 - Dans le même esprit de la soumission des procédures nationales au droit européen, le Conseil d'État aurait pu souligner que le règlement (CE) 494/98 du 27 février 1998 arrêtant certaines modalités d’application du règlement (CE) no 820/9, prescrit  la réalisation "d’une évaluation de l’état sanitaire de ce dernier et des risques pour la sécurité alimentaire" préalablement à la décision de destruction de l'animal; et que cette évaluation n'avait pas été formellement réalisée.