Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
Jurisprudence sur l'identification animale

Les contrôles de conditionnalité

24/08/2017

Les contrôles d'identification animale réalisés dans le cadre de la conditionnalité peuvent parfois manquer d'une base légale.

1 - La conditionnalité est le dispositif juridique et administratif qui vise à subordonner le versement des aides européennes aux agriculteurs au respect de normes environnementales, de santé publique et de protection animale. Il est défini par le titre VI du règlement (UE) No 1306/2013 du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et les articles D615-45 à D615-61 du code rural et de la pêche maritime.
 
2 - Le principe consiste dans l'application d'une réduction progressive du montant des aides en cas de constatation de non respect des règles à l'occasion de contrôles - appelés contrôles de conditionnalité - organisés spécifiquement à cet effet. La décision administrative de réduction des aides constitue une sanction administrative qui n'est pas exclusive d'une éventuelle sanction pénale.
 
3 - En France les contrôles sont réalisés par des agents appartenant à divers services désignés à l'article D615-53. De façon à ce que les contrôles soient équitablement répartis, ils sont organisés et coordonnés selon les règles posés par les articles D615-55 et D615-56.
L'agence de service et de paiement réalise ces contrôles pour ce qui concerne les normes de bonnes conditions agricoles et environnementales des terres et l'identification animale. Les contrôles sur la santé animale et la protection animale - mais aussi l'identification animale - sont réalisés par les agents des DDPP ou DDCSPP ou DAAF; ceux de la santé végétale par les DRAAAF et les DAAF.
 
4 - Pour réaliser ces contrôles, les agents ont besoin de se rendre dans les exploitations concernées. Les agents de la santé publique agronomique et vétérinaire tirent de l'article L205-5 du code rural et de la pêche maritime la possibilité d'entrer dans les lieux privés tels les exploitations agricoles. Cependant ils ne peuvent exercer ce pouvoir que dans un cadre judiciaire, c'est-à-dire pour rechercher et constater des infractions. Or leur déplacement est clairement motivé et organisé dans un strict cadre administratif puisqu'il s'agit de vérifier que les conditions d'octroi d'une aide sont respectées.
En matière de santé animale, de santé végétale, de protection animale ces agents disposent également d'un pouvoir d'entrée pour des contrôles de nature administrative (voir respectivement les articles L221-8, L214-23 et L250-5). Ils ont été prévus pour le contrôle des conditions d'agrément ou des enquêtes épidémiologiques mais rien n'exclut de s'en prévaloir pour d'autres contrôles à caractère administratif. Cependant ces pouvoirs n'existent pas pour l'identification animale.
 
5 - Les agents de l'ASP ne disposent pas de tels pouvoirs qu'ils soient judiciaires ou administratifs.
 
6 - L'article D615-54 précise que les agriculteurs qui demandent les aides soumises aux règles de conditionnalité sont tenus de présenter à la demande des agents de contrôle les informations nécessaires à la vérification du respect des exigences réglementaires.
 
7 - Cependant, aucune disposition ne semble leur faire obligation de laisser entrer sur leur propriété les agents chargés du contrôle: un agriculteur leur refusant cette entrée en veillant à ne refuser de fournir aucune information nécessaire au contrôle serait sans doute dans son droit.
 
8 - Bien sûr il n'est pas possible de considérer que par sa demande à bénéficier des aides prévues par la loi,  l'agriculteur autorise ipso facto l'entrée sur sa propriété privée. En effet, outre qu'il s'agirait d'une disposition tacite et donc très contestable, il est constant qu'il n'est pas possible de contracter sur l'exercice de ses libertés publiques et d'accepter d'y renoncer en échange d'un avantage quelconque.
 
9 - Ce vide juridique qui touche les contrôles de conditionnalité réalisés par l'ASP et les seuls contrôles d'identification réalisés par les agents des DDPP, DDCSPP et DAAF n'a que peu d'impact. En effet, il ne semble pas remettre en cause la validité des constats faits par ces agents quand l'agriculteur les a spontanément invités à entrer. En revanche, en cas de refus de contrôle, il pourrait être utilisé pour contester la décision de réduction des aides qui en découlera.
S'agissant d'une atteinte aux libertés publiques, ce vide ne pourra être comblé que par une disposition législative.