Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
Jurisprudence sur l'identification animale
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Identification animale

Une convention peut avoir un caractère réglementaire

14/10/2020

Par une convention du 10 avril 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a désigné la Société d'actions et de promotion vétérinaires (SAPV) comme gestionnaire du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques pour une durée de cinq ans et fixé les conditions dans lesquelles doit être assurée l'inscription des animaux identifiés dans ce fichier national, l'édition des documents liés à leur identification et le traitement des données ainsi recueillies. L'association Agir Espèces a demandé au ministre, le 10 août 2018, de rapporter cette convention et de procéder à sa résiliation et a saisi le Conseil d'Etat après le rejet implicite de sa demande.
Il résulte des termes de la convention que, si elle accorde à la SAPV l'agrément prévu par l'article L. 413-6 du code de l'environnement, elle fixe également le montant des droits d'enregistrement mis à la charge des usagers du fichier, précise le contenu des missions confiées au gestionnaire du fichier et détermine les modalités d'exercice de ces missions. Ces clauses de la convention, qui définissent les règles d'organisation et de fonctionnement du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques et précisent les modalités d'établissement, de contrôle et d'exploitation des données traitées par la personne qu'elle agrée, en application de l'article R. 413-23-6 du code de l'environnement, présentent un caractère réglementaire.

Il résulte des dispositions des articles L. 413-6 et R. 413-23-6 du code de l'environnement que l'agrément du gestionnaire du fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques doit être accordé conjointement par les ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture et qu'un arrêté conjoint de ces deux ministres doit fixer les modalités d'établissement, de contrôle et d'exploitation des données traitées par la personne agréée. Dès lors que la convention du 10 avril 2018, qui accorde à la SAPV l'agrément prévu par l'article L. 413-6 du code de l'environnement et fixe les conditions dans lesquelles la personne agréée exerce les missions qui lui sont confiées, n'a pas été signée par le ministre chargé de l'agriculture, l'association Agir Espèces est fondée à soutenir qu'elle a été prise par une autorité incompétente et qu'elle est, pour ce motif et dans son ensemble, eu égard à son caractère indivisible, entachée d'illégalité.
Eu égard aux conséquences manifestement excessives qui résulteraient de l'annulation rétroactive de la convention du 10 avril 2018 au regard de l'intérêt général qui s'attache à la protection des animaux et à la lutte contre le trafic et les prélèvements illicites dans la nature, lequel justifie que les enregistrements dans le fichier national d'identification des animaux d'espèces non domestiques qui ont été effectués depuis sa mise en service le 15 juin 2018 en application des clauses de la convention ne soient pas remis en cause et que les données figurant dans ce fichier puissent être conservées et continuer d'être utilisées, il y a lieu, sous réserve des droits des personnes qui auraient engagé une action contentieuse à la date de la présente décision, de différer au 1er janvier 2021 l'annulation de la convention du 10 avril 2018 et de regarder comme définitifs les effets produits jusqu'à cette date.

Compétence du maire pour édicter des règles d'identification canine

18/11/2019

1 - La commune de Béziers fait appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le déféré présenté par le préfet de l'Hérault, a annulé l'arrêté du maire de Béziers du 14 mars 2017 relatif à l'obligation d'identification génétique des chiens en centre-ville.

(.../...)
2 - Les mesures de police que le maire d'une commune édicte doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à leur finalité compte tenu, notamment, des nécessités de l'ordre public et des exigences de salubrité publique.
(.../...)

3 - Pour justifier la mesure d'identification génétique des chiens prescrite par l'arrêté contesté, le maire de Béziers s'est fondé sur la nécessité, face aux risques, pour la sécurité et la salubrité publiques, de parvenir à identifier les chiens auteurs de morsures commises sur le territoire de la commune de Béziers dont l'identification en flagrance n'a pas été possible, les chiens en état de divagation, perdus ou errants, ayant subi des mutilations ne permettant plus d'identifier leur tatouage ou leur code transpondeur dont les propriétaires ne sont pas identifiables ainsi que les chiens dont les maîtres sont responsables des déjections non ramassées dans les lieux où leur dépôt est interdit.

4 - En premier lieu, la commune n'établit pas plus en première instance qu'en appel l'existence d'un trouble à l'ordre public lié aux risques de morsures de chiens sur son territoire. Elle n'apporte pas non plus de pièces permettant d'établir l'existence de chiens errants sur la commune ayant subi des mutilations s'opposant à la lecture des méthodes d'identification classiques obligatoires et ainsi à l'identification du propriétaire.

5 - En second lieu et s'agissant des déjections canines, il n'est pas démontré que l'arrêté " anti-déjection " en date du 24 mai 2016 du maire de Béziers, qui prévoit une contravention de troisième classe en cas de manquement aux obligations prescrites, ait reçu une application effective, ni que les mesures préventives constituées d'affiches de sensibilisation et de distributeurs de sachets à déjections canines soient dépourvues d'efficacité, ni que tous les moyens de prévention comme la mise en place de bornes de propreté permettant d'offrir un espace dédié aux déjections canines aient été mis en oeuvre. Par ailleurs, les pièces produites par la commune de Béziers n'apportent pas d'éléments précis et circonstanciés de nature à étayer que dans le centre-ville les déjections canines constituent des risques réels d'atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques auxquels il ne pourrait être remédié autrement que par une mesure d'interdiction de promener un chien sans avoir pris les dispositions pour permettre son identification génétique. Dans ces conditions, l'arrêté du maire de Béziers en date du 14 mars 2017 ne peut être regardé comme justifié et proportionné aux objectifs poursuivis et doit être annulé.

Refus de contention

02/10/2017

Lors d'un contrôle relatif aux aides PAC, un éleveur d'ovins a refusé d'assurer la contention de ses animaux, ce qui a empêché les contrôleurs de vérifier leur identification. Les animaux ont été, dans ces conditions, déclarés non éligibles aux aides.

 

La Cour administrative d'appel de Marseille (15MA03807) a jugé qu'il appartenait à l'éleveur de mettre en mesure l'administration de procéder à une vérification efficace du respect des conditions des aides sollicitées.

 

Ainsi le préfet pouvait légalement se fonder sur leur défaut d'identification pour les exclure de l'effectif éligible aux aides en cause.

Les contrôles de conditionnalité

25/08/2017

1 - La conditionnalité est le dispositif juridique et administratif qui vise à subordonner le versement des aides européennes aux agriculteurs au respect de normes environnementales, de santé publique et de protection animale. Il est défini par le titre VI du règlement (UE) No 1306/2013 du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et les articles D615-45 à D615-61 du code rural et de la pêche maritime.
 
2 - Le principe consiste dans l'application d'une réduction progressive du montant des aides en cas de constatation de non respect des règles à l'occasion de contrôles - appelés contrôles de conditionnalité - organisés spécifiquement à cet effet. La décision administrative de réduction des aides constitue une sanction administrative qui n'est pas exclusive d'une éventuelle sanction pénale.
 
3 - En France les contrôles sont réalisés par des agents appartenant à divers services désignés à l'article D615-53. De façon à ce que les contrôles soient équitablement répartis, ils sont organisés et coordonnés selon les règles posés par les articles D615-55 et D615-56.
L'agence de service et de paiement réalise ces contrôles pour ce qui concerne les normes de bonnes conditions agricoles et environnementales des terres et l'identification animale. Les contrôles sur la santé animale et la protection animale - mais aussi l'identification animale - sont réalisés par les agents des DDPP ou DDCSPP ou DAAF; ceux de la santé végétale par les DRAAAF et les DAAF.
 
4 - Pour réaliser ces contrôles, les agents ont besoin de se rendre dans les exploitations concernées. Les agents de la santé publique agronomique et vétérinaire tirent de l'article L205-5 du code rural et de la pêche maritime la possibilité d'entrer dans les lieux privés tels les exploitations agricoles. Cependant ils ne peuvent exercer ce pouvoir que dans un cadre judiciaire, c'est-à-dire pour rechercher et constater des infractions. Or leur déplacement est clairement motivé et organisé dans un strict cadre administratif puisqu'il s'agit de vérifier que les conditions d'octroi d'une aide sont respectées.
En matière de santé animale, de santé végétale, de protection animale ces agents disposent également d'un pouvoir d'entrée pour des contrôles de nature administrative (voir respectivement les articles L221-8, L214-23 et L250-5). Ils ont été prévus pour le contrôle des conditions d'agrément ou des enquêtes épidémiologiques mais rien n'exclut de s'en prévaloir pour d'autres contrôles à caractère administratif. Cependant ces pouvoirs n'existent pas pour l'identification animale.
 
5 - Les agents de l'ASP ne disposent pas de tels pouvoirs qu'ils soient judiciaires ou administratifs.
 
6 - L'article D615-54 précise que les agriculteurs qui demandent les aides soumises aux règles de conditionnalité sont tenus de présenter à la demande des agents de contrôle les informations nécessaires à la vérification du respect des exigences réglementaires.
 
7 - Cependant, aucune disposition ne semble leur faire obligation de laisser entrer sur leur propriété les agents chargés du contrôle: un agriculteur leur refusant cette entrée en veillant à ne refuser de fournir aucune information nécessaire au contrôle serait sans doute dans son droit.
 
8 - Bien sûr il n'est pas possible de considérer que par sa demande à bénéficier des aides prévues par la loi,  l'agriculteur autorise ipso facto l'entrée sur sa propriété privée. En effet, outre qu'il s'agirait d'une disposition tacite et donc très contestable, il est constant qu'il n'est pas possible de contracter sur l'exercice de ses libertés publiques et d'accepter d'y renoncer en échange d'un avantage quelconque.
 
9 - Ce vide juridique qui touche les contrôles de conditionnalité réalisés par l'ASP et les seuls contrôles d'identification réalisés par les agents des DDPP, DDCSPP et DAAF n'a que peu d'impact. En effet, il ne semble pas remettre en cause la validité des constats faits par ces agents quand l'agriculteur les a spontanément invités à entrer. En revanche, en cas de refus de contrôle, il pourrait être utilisé pour contester la décision de réduction des aides qui en découlera.
S'agissant d'une atteinte aux libertés publiques, ce vide ne pourra être comblé que par une disposition législative.

Mise en oeuvre de l'article L221-4

24/08/2017

1 - Le I de l'article L221-4 du code rural et de la pêche maritime porte une grave atteinte au droit de propriété puisqu'il permet de disposer d'un bien appartenant à autrui non seulement en prenant la décision d'envoyer un animal à l'abattoir mais encore en exécutant d'office cette décision. Cette double exception aux principes constitutionnels est très surveillée par le juge administratif qui rappelle régulièrement l'importance qu'il accorde dans ce cas au formalisme, garant de la transparence et du respect des droits de la défense de l'administré propriétaire de l'animal.


Qu'est-ce qu'un animal non identifié?

2 - C'est un animal (bovin, ovin ou caprin exclusivement) qui n'est pas conforme aux dispositions prises en application des articles L. 212-6 à L. 212-8 et de l'article L. 681-5 ou d'un règlement communautaire, ou n'est pas accompagné des documents prévus par les textes pris pour leur application. En clair, il ne porte pas un des moyens d'identification prévus par les textes d'application ou n'est pas accompagné de documents prévus par ces mêmes textes.

 

Qui met en demeure?

3 - L'article L221-4 précise que ce sont "les agents habilités à rechercher et constater les infractions ou manquements" aux dispositions d'identification des bovins, ovins et caprins qui mettent en demeure le détenteur de fournir les informations qui permettront éventuellement de ré-identifier les animaux. Ces agents sont les inspecteurs, ingénieurs, techniciens,.. du I de l'article L205-1 mais aussi les agents habilités à faire, en matière d'identification animale, des contrôles de conditionnalité et notamment les agents de l'Agence de services et de paiement. En effet la nouvelle rédaction de cet article introduite par l'ordonnance n°2015-616 du 4 juin 2015 - art. 4 ne se limite plus aux agents ayant une compétence judiciaire (constat des infractions) mais s'étend à ceux habilités à constater des manquements, ce que font les agents de l'ASP dans le cadre des contrôles de conditionnalité.

4 - Il est à noter que bien souvent ces mises en demeure sont signées par le préfet ou en vertu d'une délégation du préfet. Or le préfet ne fait pas partie des agents habilités à constater des infractions ou des manquements aux règles d'identification animale. Par conséquent la légalité de ces décisions pourrait utilement être contestée au motif de l'incompétence de l'auteur de l'acte.

 

Comment apporter la preuve de l'identité de l'animal?

5 - La loi prévoit que le détenteur est mis en demeure d'apporter "les informations nécessaires permettant de prouver l'identification de l'animal, son âge, son origine et son dernier lieu de provenance" (le règlement (CE) 494/98 du 27 février 1998  parle de "traçabilité"). En pratique l'apport de telles informations s'avère impossible sur un animal n'ayant jamais été identifié car il n'a jamais eu d'identification. Il est très difficile sur un animal ayant déjà été identifié. le recours aux test génétique permet d'établir des présomptions dont la force probante sur l'âge, l'origine et le dernier lieu de provenance sera toujours à la libre appréciation de l'administration.


De l'application du principe du contradictoire

6 - S'agissant de mesures administratives très dérogatoires du droit commun, on veillera scrupuleusement à l'application des procédures protectrices de l'administré et particulièrement au principe du contradictoire qui impose de soumettre le projet de mise en demeure à la réaction du détenteur. Le délai laissé pour formuler ses observations pourra être alors assez court (24 ou 48 heures).

 

De la nécessité d'un rapport de contrôle

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7 - Le Conseil d'État dans son arrêt 383355 du 12 février 2016 a jugé que l'article L221-4 ne pouvait être mis en œuvre que sur la base d'un rapport établi conformément à l'article 1er du règlement UE 1082/2003 23 juin 2003 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 1760/2000 qui prévoit un "compte rendu normalisé au niveau national, exposant les résultats du contrôle et toute conclusion insatisfaisante, le motif du contrôle et les noms des personnes présentes. Le détenteur ou son représentant doivent avoir la possibilité de signer le compte-rendu et, le cas échéant, d'y consigner leurs observations quant à leur contenu". Il est à noter que ce règlement ne  concerne que les bovins. Cependant l'article 6 du règlement 1505/2006 du 11 octobre 2006 prévoit le même type de disposition pour les ovins et les caprins.

8 - Dans le même esprit de la soumission des procédures nationales au droit européen, le Conseil d'État aurait pu souligner que le règlement (CE) 494/98 du 27 février 1998 arrêtant certaines modalités d’application du règlement (CE) no 820/9, prescrit  la réalisation "d’une évaluation de l’état sanitaire de ce dernier et des risques pour la sécurité alimentaire" préalablement à la décision de destruction de l'animal; et que cette évaluation n'avait pas été formellement réalisée.