18/07/2011
Le Conseil d’État a jugé que la participation d'une collectivité publique à la construction d'un abattoir temporaire n'était pas nécessairement contraire à l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
1 - La Cour administrative d'appel de Nantes (06NT01080),
considérant que la fête de l'Aïd-el-Kébir célèbre un épisode inscrit dans la tradition de la religion musulmane, caractérisé, notamment, par l'abattage sacrificatoire de moutons en présence d'un imam ; qu'elle doit donc être regardée comme une manifestation rituelle de cette religion ; que le financement ayant pour objet “l'aménagement d'un abattoir de moutons selon le rite musulman Hallal” et tendant, ce faisant, à permettre l'accomplissement d'une activité faisant partie intégrante du culte musulman,
avait jugé, le 5 juin 2007, que le crédit de 380 000 euros affecté à l'aménagement de l'abattoir est constitutif d'une dépense relative à l'exercice d'un culte et, de ce fait, contraire aux dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
2 - Le Conseil d’État, par un arrêt d'assemblée (309161) du 19 juillet 2011, a jugé
- qu'il résulte des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Églises et de l’État ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels et qu'il leur est interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte;
- Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale construise ou acquière un équipement ou autorise l'utilisation d'un équipement existant, afin de permettre l'exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes, à condition
- qu'un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, justifie une telle intervention
et
- qu'en outre le droit d'utiliser l'équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte:
- Qu'en se bornant à relever que l'abattage d'ovins lors de la fête de l'Aïd-el-Kébir présente un caractère rituel, pour en déduire que la décision d'aménager un abattoir temporaire méconnaissait les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, sans examiner si l'intervention de la communauté urbaine était justifiée par un intérêt public local tenant à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, du fait, notamment, de l'éloignement de tout abattoir dans lequel l'abattage rituel pût être pratiqué dans des conditions conformes à la réglementation, la cour d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé.
3 - La Cour d'appel de Nantes (1NT02082), rejugeant l'affaire le 20 décembre 2012, a considéré qu'en l'absence d'abattoir agréé existant dans le département de la Sarthe, et eu égard à l'éloignement du plus proche abattoir situé dans les Deux Sèvres à 150 km, l'aménagement par la communauté urbaine du Mans d'un abattoir temporaire destiné à préserver le réseau d'assainissement collectif des effets des abattages clandestins antérieurement constatés et à prévenir tout danger sanitaire, présente un intérêt public local. Cet établissement sanitaire étant ouvert dans des conditions similaires à tout usager potentiel et pouvant accueillir d'autres abattages que les abattages rituels, les principes d'égalité et de neutralité ne peuvent être regardés comme méconnus. Si la délibération litigieuse du 21 octobre 2003 prévoyant le financement de l'abattoir à hauteur de 380 000 euros n'a pas pour objet d'organiser les conditions d'utilisation financière de l'établissement, une convention d'occupation temporaire conclue pour une durée de 9 jours avec l'association ATAFF, dont les activités ne sont que partiellement cultuelles, prévoie le remboursement à la communauté urbaine du Mans des charges résultant de la mise à disposition du local évaluées forfaitairement à la somme de 1 000 euros sur la base d'un nombre maximum de 600 moutons abattus. Cette association rémunère, en outre, le personnel qui abat les ovins moyennant une participation des familles. Dans ces conditions, même en l'absence de toute redevance payée par l'association, la mise à disposition de l'abattoir ne saurait être regardée comme une subvention des activités cultuelles de l'association et par suite comme une libéralité. Les dispositions de la loi de 1905 interdisant toute aide à un culte n'ont dès lors pas été méconnues.