Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
La jurisprudence relative à la protection animale

La dépilation du lapin angora

23/06/2019

Le Conseil d’État a jugé le 24 juin 2019 (420883) que la dépilation du lapin angora, quand elle est pratiquée selon la méthode recommandée et dans le respect du guide des bonnes pratiques, n'est pas constitutive d'un mauvais traitement.

1 - L'association One Voice, par lettre du 22 janvier 2018, a saisi le ministre en charge de l'agriculture d'une demande tendant à interdire la pratique de la dépilation utilisée dans les élevages français de lapins angoras et la commercialisation des produits en découlant. Elle sollicite l'annulation de la décision implicite de refus que le ministre a opposé à sa demande.

 

2 - Il ressort des pièces du dossier que le lapin angora, animal domestique, mue naturellement tous les cent jours environ. L'élevage de lapins angoras permet de récolter leurs poils qui sont collectés au profit de la filière textile artisanale et industrielle. La dépilation, méthode privilégiée en France, est pratiquée au moment de la mue naturelle. Elle consiste à retirer les poils de l'animal, maintenu en contention, par peignage ou à la main. L'administration du lagodendron, plante tropicale à effet dépilatoire, mélangée à du fourrage, favorise la rupture du poil dans le follicule pileux et accentue le phénomène de la mue, ce qui facilite sa collecte sans causer d'érythème. La dépilation en deux étapes successives est également recommandée pour limiter le choc pour l'animal de la déperdition thermique. Un " guide de bonnes pratiques " a été mis au point par l'institut technique de l'aviculture des productions de basse-cour et des élevages de petits animaux, institut technique agricole, et son respect conditionne l'appartenance des éleveurs à la filière de l'angora français. Axé sur le bien-être animal, il prévoit des mesures relatives à l'élevage et à la récolte du poil et est mis en œuvre par la très grande majorité des éleveurs français.

 

3 - Il ne ressort pas des pièces du dossier que la méthode de dépilation des lapins angoras telle qu'elle est préconisée par la filière française serait, en tant que telle, source de souffrances évitables causant des dommages irréversibles aux animaux et emporterait des effets négatifs sur la santé des animaux quand elle est pratiquée dans des conditions normales.

 

4 - Par ailleurs, l'organisation de contrôles des élevages prévus au titre de l'article L214-23 du code rural et de la pêche maritime comme la répression pénale des pratiques constituant des mauvais traitements à l'encontre des animaux sur le fondement de l'article R654-1 du code pénal permettent de sanctionner, le cas échéant, les pratiques qui méconnaîtraient les dispositions relatives à la protection des animaux en leur infligeant des souffrances évitables.

 

5 - Le Conseil d’État en conclut que les moyens tirés de ce que la pratique de la dépilation méconnaîtrait les dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code pénal interdisant et sanctionnant les mauvais traitements à l'encontre des animaux et le moyen tiré de ce que le ministre aurait commis une erreur d'appréciation en refusant d'interdire la dépilation des lapins angoras ne peuvent qu'être écartés.

 

6- L'appréciation du Conseil d’État, dont il ressort que la dépilation des lapins angora ne doit pas être interdite car elle peut être faite "sans leur infliger des souffrances évitables", est fondée sur l'examen des pratiques recommandées au sein de la filière et celles du guide des bonnes pratiques de l'ITAVI et non pas sur le principe même de la dépilation. Les agents chargés des contrôles doivent donc s'assurer que si la pratique n'est pas celle recommandée, elle n'est pas de nature à engendrer un mauvais traitement ou des souffrances évitables.