Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
La jurisprudence relative à la protection animale

Conformité de l'abattage rituel aux droits européen et national

03/10/2019

Le Conseil d’État a jugé le 4 octobre 2019 (423647), que la dérogation donnée pour l'abattage rituel à l'obligation d'étourdissement préalable à la mise à mort n'est contraire ni au droit de l'Union ni à l'interdiction des mauvais traitements. Il n'est pas établi que le pouvoir réglementaire, qui doit rechercher le plus grand degré de bien-être animal compatible avec la liberté religieuse, aurait pu imposer le recours à des mesures qui seraient plus protectrices des animaux au moment de leur mise à mort par abattage rituel.

1 - L'association ŒŒuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA)  a demandé au Conseil d’État d'annuler le refus du ministre de l'agriculture de modifier le I de l'article R. 214-70 du CRPM en ce qui concerne l'abattage des bovins, pour imposer soit un étourdissement immédiatement après la jugulation, soit un étourdissement réversible préalable à la jugulation, sous réserve dans ce dernier cas d'une validation préalable des techniques.

2 - Le Conseil d’État rappelle que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. De même, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la réformation d'un règlement illégal, l'autorité compétente est tenue d'y substituer des dispositions de nature à mettre fin à cette illégalité.

 

3 - Cependant, les juges rejettent le recours de l'OABA en trois temps

5 - En premier lieu, l'article 4, paragraphe 4, du règlement 1099/2009 rend l'obligation d'étourdissement inapplicable à la mise à mort dans des abattoirs des animaux selon les méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux. Son article 26, paragraphe 2, ouvre aux États membres la faculté d'adopter en la matière des règles nationales plus protectrices des animaux au moment de leur mise à mort.

Par suite, le droit de l'Union rendant l'obligation d'étourdissement des animaux inapplicable aux abattages prescrits selon des rites religieux et en ne laissant aux États membres qu'une faculté d'introduire des mesures visant à assurer une plus grande protection des animaux lors de leur abattage rituel sans étourdissement préalable, les juges considèrent que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la règlementation existante méconnaîtrait le droit de l'Union dont l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui impose aux États membres de tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles

6 - En deuxième lieu, l'abattage rituel des bovins est soumis à l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires applicables à tout abattage et à des obligations supplémentaires spécifiques, relatives notamment à l'organisation des abattoirs spécialement autorisés, à la formation du personnel et à la contention des animaux. Dès lors, la dérogation à l'obligation d'étourdissement au moment de la mise à mort des animaux prévue par le I de l'article R. 214-70 ne peut être regardée comme autorisant des mauvais traitements envers les animaux au sens de l'article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime.

7 - En troisième lieu, ni les recommandations mentionnées par l'association requérante du rapport de 2016 du CGAAER sur la dérogation pour les abattages rituels à l'obligation d'étourdissement préalable des animaux avant leur jugulation, lesquelles préconisent pour l'abattage rituel des bovins soit un étourdissement immédiatement après la jugulation, soit un étourdissement réversible préalable à celle-ci, ni les autres éléments produits par l'association requérante, d'ordre scientifique ou relatifs à certaines opinions religieuses, entre lesquelles il n'appartient pas au pouvoir réglementaire d'arbitrer, n'établissent une illégalité actuelle des dispositions réglementaires contestées au motif tiré de ce que le pouvoir réglementaire, qui doit rechercher le plus grand degré de bien-être animal compatible avec la liberté religieuse, n'a pas imposé le recours à des mesures qui seraient plus protectrices des animaux au moment de leur mise à mort par abattage rituel.