04/11/2019
La cour de Cassation (18-84554) a confirmé l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles qui a reconnu coupable de sévices graves ou actes de cruauté envers un animal domestique l'ordonnatrice de rites vaudous au cours desquels étaient mis à mort et consommés des animaux en violation de l'interdiction faite par l'article R. 214-73 du code rural, de procéder ou faire procéder à un abattage rituel en-dehors d'un abattoir.
1 - Mme S... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 3 juillet 2018 qui, pour abus de faiblesse aggravé et sévices graves ou actes de cruauté envers un animal domestique, l'a condamnée à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve.
2 - Fin octobre 2006, les Renseignements généraux ont signalé à la gendarmerie qu'une famille, sous couvert de rites vaudoux, était susceptible de se livrer à des agissements sectaires à Marly-la-ville (95). Sur la base des premiers renseignements judiciaires recueillis, le procureur de la République à ouvert, le 23 novembre 2006, une enquête préliminaire.
Au cours de ces investigations, des témoins anonymes ont affirmé que Mme S... se présentait comme voyante auprès de la communauté antillaise et prodiguait des consultations payantes pouvant déboucher sur un "travail" plus onéreux auquel s'ajoutaient deux ou trois grands rassemblements pendant l'année d'une durée ininterrompue de deux à trois jours. Ces témoignages (.../...) évoquaient (.../...) une organisation hiérarchisée, avec différents niveaux d'initiation, ainsi que des sacrifices d'animaux effectués à mains nues ou avec des sabres par Mme A... qui en aspergeait le sang sur les participants.
3 - Pour déclarer les prévenus coupables, l'arrêt, après avoir rappelé qu'ils ont allégué être poursuivis à raison de leur croyance animiste, énonce qu'il n'appartient pas à la cour d'appel de se prononcer sur le caractère rationnel ou irrationnel d'une croyance, qu'il ne s'agit pas de faire le procès de la religion animiste et du culte vaudou, que ce ne sont pas leurs croyances qui sont reprochées aux prévenus, mais les abus dissimulés derrière leur religion et leur culte.
4 - S'agissant, (.../...) des actes de sévices graves ou actes de cruauté envers un animal domestique, l'arrêt de la Cour d'appel énonce que la prévenue, avec l'aide de son mari pour les gros animaux, a tué des poules, pigeons, moutons et caprins dans le temple situé à leur domicile, en violation de l'interdiction faite par l'article R. 214-73 du code rural, de procéder ou faire procéder à un abattage rituel en-dehors d'un abattoir.
5 - Les juges d'appel ajoutent que si les prévenus soutiennent que les animaux étaient consommés après le culte, l'abattage de ces derniers n'entrait pas dans les exceptions prévues à l'article L. 654-3 du code rural, faute pour les prévenus de gérer une exploitation et ou d'avoir la qualité d'éleveurs.
6 - La cour d'appel précise enfin que si les prévenus affirment que les animaux ne souffraient pas, il résulte de plusieurs témoignages concordants que Mme S... tuait les poulets soit en leur tordant le cou avec ses mains, soit en leur coupant la tête, que des sabres et couteaux ont été utilisés, y compris pour les ovins et caprins, qu'un enfant mineur a fait référence aux bruits émis par les cabris et indiqué qu'elle n'aimait qu'on les tue et qu'on asperge leur sang. Ils observent encore que les prévenus n'ont utilisé aucune méthode d'endormissement avant de procéder à l'abattage d'un grand nombre d'animaux.
7 - La Cour de Cassation en conclut qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes édictées par la loi pénale, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de liberté de religion, a justifié sa décision.
8 - Ainsi la Cour de cassation admet que l'abattage d'animaux au cours d'un rite vaudou est un abattage rituel.
Ce faisant, il admet également, dans le cas d'espèce, alors même que l'infraction d'abattage rituel en dehors d'un abattoir est prévue et réprimée les peines prévues pour les contraventions de 5eme classe par le 7° de l'article R215-8 du CRPM, le recours par la Cour d'appel à la qualification délictuelle de l'article 521-1 du code pénal. Les "sévices graves" ou "actes de cruauté" s'appliquent habituellement à des actes accomplis dans l'intention de faire souffrir l'animal. Il ne semble pas que ce point ait été établi ici. Le rappel du témoignage d'un enfant mineur fait par la Cour d'appel et repris par la Cour de Cassation pourrait laisser penser que le critère n'est pas ici l'intention de faire souffrir l'animal mais l'impact sur le public des mauvais traitements pratiqués. Doit-on y voir une sorte de retour aux sources pour cette infraction dont la première rédaction la limitait aux actes commis en public?