02/12/2019
1 - Attendu que pour confirmer la déclaration de culpabilité de Mme O... du chef d'échanges intracommunautaires d'animaux vivants non-conformes aux conditions sanitaires ou de protection, l'arrêt de la cour d'appel de Nancy retient que tant la législation slovaque, que la législation française, prévoyaient que les chiots devaient être vaccinés à onze semaines, auxquelles il fallait rajouter vingt-et-un jours de délai nécessaires à l'efficacité du vaccin et que par ailleurs les chiots étaient inaptes au transport avant l'âge de huit semaines ; que les juges ajoutent, que le 18 novembre 2011, soixante-trois chiots en provenance de Slovaquie étaient saisis à l'élevage «Chez V...», que l'expert désigné concluait qu'aucun chiot n'avait l'âge indiqué sur son passeport et que les délais et protocoles d'efficacité des vaccins n'avaient pas été respectés ; qu'ils en concluent que ces éléments établissent que les chiots importés par Mme O... n'étaient pas conformes aux conditions sanitaires fixées par le ministre de l'agriculture et les règlements ou décisions communautaires, et de nature à créer un danger grave pour la santé humaine et animale, que la prévenue, professionnelle de la vente d'animaux, et tenue de s'assurer de la conformité des animaux à la réglementation en vigueur, ne peut prétendre avoir ignoré que la majeure partie des animaux importés de Slovaquie, plus de 1100, ne répondait pas aux normes sanitaires au regard des multiples plaintes des acquéreurs et de la décision d'un vétérinaire de cesser de travailler avec son établissement en raison des problèmes rencontrés lors de l'établissement des certificats de bonne santé ;
2 - Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradictions, la cour d'appel qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, a justifié sa décision, dès lors que constitue l'infraction poursuivie, le fait pour un professionnel de la vente d'animaux de ne pas respecter les conditions sanitaires fixées par le ministère de l'Agriculture et ressortissant, à la date des faits, à l'arrêté du 20 mai 2005, abrogé le 29 décembre 2014 mais remplacé par l'arrêté du 9 décembre 2014 relatif aux conditions de police sanitaire régissant les échanges commerciaux et non-commerciaux au sein de l'Union européenne ainsi que les importations et mouvements non-commerciaux en provenance d'un pays tiers, de certains carnivores domestiques dont les chiens ;
3 - Attendu que pour confirmer la déclaration de culpabilité de Mme O... du chef de tromperie sur les qualités substantielles des marchandises, en l'espèce, de chiens prétendument en bonne santé au vu d'un certificat de bonne santé et d'un certificat sanitaire international, avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal, en commercialisant des animaux non vaccinés comme pouvant véhiculer des virus potentiellement mortels tels la rage et transmissibles à l'homme ou à l'animal, l'arrêt de la cour d'appel de Nancy retient que le chiot bouledogue français acquis par M. U..., examiné par le docteur W..., le 22 novembre 2011, lequel fait état de ce que l'animal était dans un mauvais état de santé général, présentait des pathologies dermatologiques, respiratoires et comportementales, que son âge réel était de 4 mois, et non de 5 mois et 10 jours comme indiqué sur le certificat de vente, l'adoption ayant été faite non à 10 semaines, mais à six semaines ; que les juges ajoutent que le chiot de race L... Charles acquis le 15 octobre 2011, par Mme F... avait du subir, le 5 novembre 2011, une réinjection du vaccin contre la maladie de carré, l'hépatite de Rubarth, la parvovirose et la leptospirose, cette pathologie étant transmissible à l'homme ; qu'ils en concluent, pour ces deux cas, que le tribunal a retenu à juste titre l'infraction de tromperie aggravée, en relevant que la vaccination était rendue inefficace par l'injection trop précoce des vaccins, que l'âge des chiots ne correspondait pas à la réalité, éléments induisant un risque pour la santé humaine et animale ;
4 - Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel qui a caractérisé la seconde infraction reprochée à Mme O..., professionnelle de la vente de chiots, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, a justifié sa décision ;
5 - Attendu que pour prononcer les peines, la cour, après avoir rappelé que Mme O... avait créé le 1er janvier 2009 la société «Quatre pattes un coeur», ayant cessé son activité dès juillet 2009, qu'elle devenait alors directrice de la société «Chez V...» juridiquement créée le 15 août 2009, et dont le siège social se situait à son adresse personnelle, tandis que la gérance de droit était assurée par sa soeur, qui indiquait n'être gérante que sur le papier, que les ventes réalisées par la société «Chez V...» entre novembre 2009 et août 2011 concernaient 1133 chiots, pour un montant évalué à 761 250 euros, retient que le 18 novembre 2011, soixante-trois chiots en provenance de Slovaquie étaient saisis à l'élevage chez la prévenue et que l'expert relevait qu'aucun de ces chiots n'était protégé efficacement contre la rage ni contre les principales maladies des chiens et encore que vingt-quatre d'entre-eux présentaient une maladie ; que les juges ajoutent que la nature et la gravité des infractions en ce qu'elles entraînent un risque pour la santé humaine et animale, justifient à l'encontre de Mme O..., déjà condamnée à cinq reprises, dont le 13 février 2009 pour exercice de l'activité d'élevage malgré mise en demeure de mise en conformité des installations et défaut de capacité sanitaire, le prononcé d'une peine d'emprisonnement de six mois assortie du sursis auquel elle peut prétendre et la confirmation de la confiscation des scellés ordonnée par les premiers juges ;
6 - Attendu qu'en statuant ainsi dès lors que, d'une part, lorsque plusieurs peines sont prononcées, les motifs peuvent être communs à celles-ci, d'autre part, la confiscation des chiens objet des infractions ou à l'encontre desquels les infractions ont été commises, était encourue de plein droit en vertu des articles 131-21 alinéa 3 et 131-21-1 du code pénal, la cour d'appel de Nancy a justifié sa décision.
7 - Ainsi, curieusement, la Cour de cassation valide le fait qu'une vaccination incorrecte contre la leptospirose, maladie certes commune à l'homme et au chien, mais dont la transmission n'a été observée que des rongeurs vers l'homme et le chien et non pas entre le chien et l'homme, est de nature à générer un risque pour la santé humaine. L'aggravation des sanctions du délit de tromperie prévue par l'article L454-3 du code de la consommation ne justifiait pas une telle audace car elle est acquise par la seule atteinte à la santé de l'animal provoquée par l'ensemble des autres vaccins.
23/06/2019
1 - L'association One Voice, par lettre du 22 janvier 2018, a saisi le ministre en charge de l'agriculture d'une demande tendant à interdire la pratique de la dépilation utilisée dans les élevages français de lapins angoras et la commercialisation des produits en découlant. Elle sollicite l'annulation de la décision implicite de refus que le ministre a opposé à sa demande.
2 - Il ressort des pièces du dossier que le lapin angora, animal domestique, mue naturellement tous les cent jours environ. L'élevage de lapins angoras permet de récolter leurs poils qui sont collectés au profit de la filière textile artisanale et industrielle. La dépilation, méthode privilégiée en France, est pratiquée au moment de la mue naturelle. Elle consiste à retirer les poils de l'animal, maintenu en contention, par peignage ou à la main. L'administration du lagodendron, plante tropicale à effet dépilatoire, mélangée à du fourrage, favorise la rupture du poil dans le follicule pileux et accentue le phénomène de la mue, ce qui facilite sa collecte sans causer d'érythème. La dépilation en deux étapes successives est également recommandée pour limiter le choc pour l'animal de la déperdition thermique. Un " guide de bonnes pratiques " a été mis au point par l'institut technique de l'aviculture des productions de basse-cour et des élevages de petits animaux, institut technique agricole, et son respect conditionne l'appartenance des éleveurs à la filière de l'angora français. Axé sur le bien-être animal, il prévoit des mesures relatives à l'élevage et à la récolte du poil et est mis en œuvre par la très grande majorité des éleveurs français.
3 - Il ne ressort pas des pièces du dossier que la méthode de dépilation des lapins angoras telle qu'elle est préconisée par la filière française serait, en tant que telle, source de souffrances évitables causant des dommages irréversibles aux animaux et emporterait des effets négatifs sur la santé des animaux quand elle est pratiquée dans des conditions normales.
4 - Par ailleurs, l'organisation de contrôles des élevages prévus au titre de l'article L214-23 du code rural et de la pêche maritime comme la répression pénale des pratiques constituant des mauvais traitements à l'encontre des animaux sur le fondement de l'article R654-1 du code pénal permettent de sanctionner, le cas échéant, les pratiques qui méconnaîtraient les dispositions relatives à la protection des animaux en leur infligeant des souffrances évitables.
5 - Le Conseil d’État en conclut que les moyens tirés de ce que la pratique de la dépilation méconnaîtrait les dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code pénal interdisant et sanctionnant les mauvais traitements à l'encontre des animaux et le moyen tiré de ce que le ministre aurait commis une erreur d'appréciation en refusant d'interdire la dépilation des lapins angoras ne peuvent qu'être écartés.
6- L'appréciation du Conseil d’État, dont il ressort que la dépilation des lapins angora ne doit pas être interdite car elle peut être faite "sans leur infliger des souffrances évitables", est fondée sur l'examen des pratiques recommandées au sein de la filière et celles du guide des bonnes pratiques de l'ITAVI et non pas sur le principe même de la dépilation. Les agents chargés des contrôles doivent donc s'assurer que si la pratique n'est pas celle recommandée, elle n'est pas de nature à engendrer un mauvais traitement ou des souffrances évitables.
06/06/2019
1 - La Cour de cassation (19-90007 du 19 mars 2019) a saisi le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité qui porte sur les premier et troisième alinéas de l'article 99-1 du code de procédure pénale.
2 - Lorsqu'un agent des services vétérinaires saisit ou retire, en application de l'article L214-23 un animal, le procureur de la République peut décider de placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté ou de le confier à une association de protection animale. Or cette décision ne peut être contestée, faute de procédure à cet effet. La Cour de Cassation s'interroge donc sur sa constitutionnalité.
3 - Le Conseil, dans une décision du 7 juin 2019 (2019-788 QPC), rappelle qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'il n'existe pas de recours spécifique à l'encontre de cette décision de placement.
4 - Toutefois, en application des articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale, une personne dont les biens ont été saisis peut en demander la restitution au juge d'instruction au cours d'une information judiciaire et au procureur de la République dans les autres cas.
5 - Dès lors, dans la mesure où le placement d'un animal effectué sur le fondement de l'article 99-1 intervient nécessairement à la suite d'une décision de saisie ou de retrait, son propriétaire peut en demander la restitution sur le fondement des articles 41-4 ou 99. Cette restitution a pour effet de mettre un terme à la mesure de placement. Le refus éventuellement opposé à sa demande peut également faire l'objet d'un recours juridictionnel.
6 - Le Conseil considère qu'il en résulte que le propriétaire en cause dispose d'un recours lui permettant d'obtenir qu'il soit mis fin à la mesure de placement. Le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit donc être écarté. Cet aspect de l'article 99-1 du code de procédure pénal est conforme à la Constitution.
18/11/2018
1 – A la suite de visites d'inspection réalisées les 10 janvier et 12 février 2018 par des agents d’une direction départementale de la protection des populations, qui ont mis en évidence diverses infractions aux règles relatives à la détention des animaux, analogues à celles qui avaient été constatées lors d'une précédente visite en juin 2017, un inspecteur de la santé publique vétérinaire a, par une décision prise sur le fondement de l'article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime, ordonné le retrait des animaux et les a confiés à la garde de tiers.
2 – Le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, saisi par le responsable de l’élevage, a prononcé la suspension de l'exécution de cette décision. Le ministre de l’agriculture a demandé au Conseil d’État d’annuler la décision du juge des référés.
3 – Le Conseil d’État a considéré que « la décision par laquelle, en application de l'article L. 214-23 du code rural et de la pêche maritime, l'autorité compétente décide, après la constatation d'une infraction réprimée par les articles L. 215-10 ou L. 215-11 du même code, de saisir ou de retirer des animaux et d'en confier la garde à un tiers " dans l'attente de la mesure judiciaire prévue à l'article 99-1 du code de procédure pénale ", a le caractère d'une mesure de police judiciaire dont la connaissance n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire » et a annulé la décision du juge des référés du tribunal administratif en invitant implicitement les requérants à se pourvoir devant la juridiction judiciaire.
4 – Ainsi le Conseil d’État considère que la décision de retrait est intiment liée à la procédure judiciaire : elle suit une constatation d’infraction, acte judiciaire par essence, et précède, en la préparant, une décision judiciaire sur le devenir des animaux par application de l’article 99-1 du code de procédure pénale. Il en tire la conséquence qu’elle ne peut être appréciée, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, par une juridiction administrative.
5 – La légalité de la décision de retrait sera sans doute alors appréciée conjointement à celle du procès-verbal de constatation de l’infraction ayant motivée la mesure. Il sera intéressant de savoir si les juridictions de l’ordre judiciaire limitent les possibilités d’usage du pouvoir de retrait aux cas d’infraction aux articles L215-10 et L215-11 du CRPM comme semble le faire le Conseil d’État.
6 – Cet arrêt novateur, car de nombreuses décisions de retrait d’animaux ont été portées devant les juridictions administratives – mais semble-t-il jamais devant le Conseil d’État – aura sans aucun doute un impact important sur toutes les affaires en cours qui devront être réorientées vers les juridictions judiciaires dans des conditions procédurales qui restent à déterminer.
07/11/2018
1 - La Cour a été saisie d'une demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du terme «attacher», au sens du point 8 de l'annexe de la directive 91/629/CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, établissant les normes minimales relatives à la protection des veaux, point 8 de l'annexe :«Les veaux ne sont pas attachés, à l’exception des veaux logés en groupe, qui peuvent être attachés durant des périodes d’une heure au maximum au moment de la distribution de lait ou d’un lactoremplaceur. Lorsque les veaux sont attachés, leur attache ne doit pas les blesser et doit être inspectée régulièrement et ajustée si nécessaire pour leur confort. Toute attache doit être conçue de manière à éviter un risque de strangulation ou de blessure et à permettre à l’animal de se déplacer conformément au point 7 [à savoir de s’étendre, de se reposer, de se relever et de faire sa toilette sans difficulté].»
2 - Devant sa juridiction nationale, l'éleveur néerlandais a fait valoir que les veaux étaient liés par le cou au moyen d’une corde et qu’ils ne pouvaient donc être regardés comme étant attachés au sens du point 8, première phrase, de l’annexe de la directive 91/629 car dans sa version en langue néerlandaise, ce point fait référence à la nature métallique de l’attache, en employant le mot «chaînes» («kettingen»).
3 - La Cour rappelle que le terme en question ne saurait être examiné dans la seule version en langue néerlandaise, les dispositions européennes devant être interprétées et appliquées de manière uniforme à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l'Union européenne. La formulation utilisée dans une des versions linguistiques d’une disposition européenne ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit communautaire.
4 - En cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte communautaire, la disposition en cause doit ainsi être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.
5 - Or, force est de constater que les versions linguistiques, autres que néerlandaise, du point 8 de l’annexe de la directive 91/629 ont recours à un terme général. À titre indicatif, la version en langue allemande emploie le terme «Anbindevorrichtung» (dispositif d’attache), la version en langue anglaise le mot «tether» (attache), la version en langue française le mot «attache», tandis que la version en langue italienne utilise le terme «attacco». Ce recours à un terme général est des plus logiques compte tenu, d’abord, de l’interdiction globale d’attacher les veaux lorsque ceux-ci sont logés dans des boxes individuels et, ensuite, du confort de l’animal exigé par la directive 91/629 lorsque, par exception, il est dérogé à cette interdiction pour les veaux logés en groupe, qui peuvent être attachés durant des périodes d’une heure au maximum au moment de la distribution de lait ou d’un lactoremplaceur […]». Le terme «chaîne» s’avère donc en contradiction avec l’objectif poursuivi par le législateur européen.
6 - Donc, au sens de la directive 91/629 modifiée, un veau est attaché lorsqu’il est retenu par un lien, quelles que soient la nature de ce lien.