Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale

La jurisprudence relative aux animaux dangereux

Divagation de bovins

25/02/2019

1- Le 2 septembre 2012, vers 11h30, Jean-Pierre E... , qui s'affairait à la plantation d'un arbre dans sa propriété situé sur la commune de Corscia, a été victime de l'attaque d'un taureau qui avait pénétré dans son jardin. Blessé, il a été transporté à l'hôpital de Bastia par hélicoptère pour y recevoir des soins. L'animal a finalement était retrouvé abattu, son oreille mutilée afin de ne pas permettre son identification. L'enquête a d'ailleurs été classée sans suite.

 

2 - Saisie en appel de la décision du tribunal administratif de Bastia de refuser la condamnation de la commune à indemniser le préjudice subi, la Cour administrative d'appel de Marseille (17MA00964) a confirmé ce jugement sur le raisonnement suivant.

 

3 - Le 7° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, qui permet au maire, autorité de police municipale, de prendre des mesures dans le but " d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ... " l'autorise à organiser le dépôt, dans un lieu désigné, du bétail en état de divagation. Ces dispositions confient donc à l'autorité de police municipale le soin de prendre et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public et les dommages résultant de l'errance d'animaux sur le territoire de la commune. Cette mesure est également au nombre de celles que le représentant de l’État dans le département peut prendre, en vertu du 1° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales et dans les conditions prévues par ces dispositions, en se substituant au maire éventuellement défaillant. Il s'ensuit que la responsabilité de la commune et, le cas échéant, de l’État peut dès lors être engagée en cas de carence dans l'exercice de ce pouvoir.

 

4 - Il n'est pas tout d’abord contesté que la divagation de bovins est un phénomène récurent sur le territoire de la commune de Corscia, le maire de cette commune ayant d'ailleurs pris dès l'année 2009 puis en 2010, un arrêté portant interdiction aux éleveurs de la commune de laisser divaguer leurs animaux sur le territoire communal. Toutefois, il n'est pas établi que le maire ait été averti, avant l'attaque du taureau du 2 septembre 2012, qui a également foncé sur un automobiliste et sur deux autres personnes avant d'être abattu, d'un quelconque incident ou blessure causé par du bétail en divagation. Il n'est ensuite pas contesté que le maire de cette commune a également procédé depuis l'année 2009 à l'information régulière des éleveurs quant aux décisions prises au sujet de la divagation d'animaux, à la convocation trimestrielle de l'ensemble des éleveurs pour envisager les solutions devant être mises en œuvre, à la publication régulière d'articles concernant les problèmes liés à la divagation d'animaux ainsi que de la tenue d'entretiens tenus à ce sujet avec le sous-préfet et avec les services de police destiné à envisager la verbalisation des éleveurs laissant divaguer leurs bêtes. Il n'est ainsi pas établi que la situation exigeait la création d'un lieu de dépôt adapté afin que les animaux présentant un danger puissent être parqués.

 

5 - Dans ces conditions, le maire de la commune de Corscia, ne peut être regardé comme ayant commis une faute, dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, de nature à engager la responsabilité de la commune.

Responsabilité du maire dans la divagation de bovins

21/01/2019

1 - La Cour administrative d’appel de Marseille (17MA03970) à été saisie d’une demande d’indemnisation du préjudice subi par le propriétaire du véhicule qui a été endommagé le 19 décembre 2015 par une collision avec un bovin alors qu'il circulait sur la RT n° 10 sur le territoire de la commune de Solaro.

 

2 - Aux termes de l'article L2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux évènements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces (...) ". Ces dispositions confient à l'autorité de police municipale le soin de prendre et de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles à l'ordre public et les dommages résultant de l'errance d'animaux sur le territoire de la commune.

3 - Le maire de Solaro a édicté un arrêté le 13 février 2003 portant interdiction de laisser en liberté les animaux d'espèce bovine à l'intérieur de l'agglomération, et un autre le 31 novembre 2005 par lequel il a mis en place des opérations d'abattage. Des panneaux de signalisation alertent en outre du risque de présence d'animaux sur la chaussée sur le territoire de la commune, notamment sur les lieux de l'accident, tandis que le président du conseil exécutif de Corse a limité la vitesse à 70 km/h sur les portions de routes sur lesquelles des animaux sont susceptibles de se trouver. Alors que le requérant ne démontre l'existence que de deux accidents causés par la divagation de bovins en 2009 sur le territoire de la commune, et alors même que la région de Solaro serait identifiée comme un axe à risque en la matière, il n'est ni établi que les mesures prises par le maire, notamment par voie d'abattage, seraient inefficaces ni qu'elles auraient nécessité de prendre des dispositions supplémentaires. Dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, en ne prenant pas d'autres mesures que celles qu'il a édictées, le maire de Solaro n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police.

Euthanasie d’un chien dangereux

04/01/2019

1 - Le 6 mars 2015, le chien dénommé " Santino ", de race malinois et âgé de 8 ans, a mordu deux personnes sur la voie publique à Orléans. A la suite de cet incident, le maire d'Orléans a, par un arrêté du même jour pris en application des dispositions de l'article L211-14-2 du code rural et de la pêche maritime, mis en demeure M.A..., alors propriétaire du chien, de procéder dans les 24 heures à la première des trois visites vétérinaires prévues, en cas de morsure d'une personne, par l'article L. 223-10 du même code, et de faire procéder dans un délai de huit jours à l'évaluation comportementale de l'animal prévue par l'article L. 211-14-1, sous peine de son placement dans un lieu de dépôt adapté à son accueil et à sa garde. Si M. A...a bien soumis son chien à trois visites vétérinaires les 12, 19 et 30 mars 2015, aucune évaluation comportementale de l'animal n'a en revanche été réalisée pendant la même période. Le chien " Santino " a de nouveau mordu les 10 avril et 24 septembre 2015, toujours sur la voie publique à Orléans. Constatant alors l'absence de réalisation de l'évaluation comportementale, le maire d'Orléans a décidé, par arrêté du 25 septembre 2015, de placer l'animal au refuge de la SPA de Chilleurs-aux-Bois. Dans ce cadre, le chien a été examiné le 5 octobre 2015 par un premier vétérinaire, qui a constaté qu'il était " ingérable " et qu'il présentait un danger pour la sécurité des personnels du refuge et des soignants. Une évaluation comportementale a ensuite été réalisée le 30 octobre 2015 par un vétérinaire habilité à cette fin par arrêté préfectoral, qui a conclu au classement de l'animal au niveau quatre de risque de dangerosité, niveau maximal prévu par l'article D. 211-3-2 du code rural et de la pêche maritime, et a préconisé une euthanasie dans les plus brefs délais. Par arrêté du 17 novembre 2015 pris en application du dernier alinéa de l'article L211-14-2 du code rural et de la pêche maritime, le maire d'Orléans a ordonné qu'il soit procédé à l'euthanasie du chien " Santino ".


2 - La cour administrative d’appel de Nantes, saisi du litige, a jugé le 4 janvier 2019 (18NT00839) que, s’il résulte des dispositions du code rural et de la pêche maritime que l'autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d'un animal qu'en vue de parer un danger grave et immédiat, il ressort des dispositions de l'article L211-14-2 du même code, éclairées par les travaux parlementaire préalables à l'adoption de l'article 7 de la loi du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux dont elles sont issues, qu'elles s'appliquent à l'ensemble des chiens ayant mordu une personne et non uniquement aux types de chiens, réputés dangereux, visés à l'article L211-12 du même code et inclus dans la liste de l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour son application, au nombre desquels ne figurent pas les malinois.

3 - En outre, les dispositions de l'article L211-14-2 et du II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ne prévoient aucune formalité préalable au placement et à l'euthanasie d'un animal dès lors que la situation de danger grave et immédiat est caractérisée. Dès lors, le maire n'était pas tenu, compte tenu de l'urgence, de permettre à M. H...de présenter ses observations avant de prendre sa décision en application de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000.


4 - Il est vrai, soulignent les juges, qu'il ressort du compte-rendu rédigé par le docteur vétérinaire ayant procédé, sur demande du maire, à l'évaluation comportementale de l'animal, que celle-ci s'est déroulée après plus d'un mois de captivité, sans contact direct avec l'animal et en l'absence de son précédent maître, auquel il était lié par un attachement qualifié " d'exceptionnel " par un jugement du 9 octobre 2015 du tribunal de grande instance d'Orléans statuant en matière correctionnelle. De telles conditions d'évaluation, qui ont au demeurant résulté de la carence de M. A...à y pourvoir antérieurement de sa propre initiative, ainsi qu'il en avait l'obligation légale, ont pu conduire à surestimer la dangerosité de l'animal, alors qu'il résulte de l'instruction qu'il n'a mordu, dans un but exclusivement défensif, que des personnes qui ont eu des gestes agressifs à l'égard de son propriétaire sans jamais se montrer menaçant pour de simples passants sur la voie publique. Par ailleurs, n'a pas été pris en compte le fait que le chien " Santino " a été cédé au cours du mois d'octobre 2015 par M. A...à M.H..., lequel réside dans une ferme en Saône-et-Loire, ni par suite étudiée la possibilité pour l'animal de résider chez son nouveau propriétaire dans cet environnement rural, sans présenter de danger pour l'ordre public. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, ces éléments apparaissent insuffisants, au regard notamment de la réitération des cas de morsure et des appréciations portées successivement par deux docteurs vétérinaires sur la dangerosité de l'animal, pour considérer qu'en décidant de procéder à l'euthanasie de l'animal, le maire d'Orléans aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au vu du danger grave et immédiat que représentait le comportement du chien " Santino ", et que cette décision aurait présenté un caractère disproportionné au regard des nécessités de sauvegarde de l'ordre public.

Euthanasie d’un animal dangereux

04/01/2019

 1. Par un arrêté du 4 décembre 2013, le maire de Sainte-Reine-de-Bretagne, informé de la présence sur le territoire communal d'une vache en état de divagation supposée appartenir à M.E..., a d'une part mis ce dernier en demeure de " récupérer sa vache et de prendre toutes dispositions afin de prévenir tout risque pour les usagers du marais et des voies publiques ", et d'autre part, informé l'intéressé qu'en cas d'inexécution des mesures prescrites dans un délai de 24 heures, l'animal considéré comme dangereux serait capturé et qu'il serait ensuite immédiatement demandé aux autorités compétentes de se prononcer sur les suites à donner, notamment son euthanasie. Le 6 décembre 2013, le maire a fait procéder à la capture de l'animal puis à son euthanasie.

 

2 - Le détenteur de la vache malencontreusement dénommée « Éternelle » s’est pourvu devant le tribunal administratif de Rennes, puis devant la Cour administrative d’appel de Nantes.

 

3 – La Cour d’appel a considéré, dans un arrêt du janvier 2019 (18NT00069), qu’il résulte des dispositions de l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, qui s'appliquent notamment aux animaux en divagation sur les voies publiques et présentant en tant que tel un danger pour la sécurité publique, que l'autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d'un animal qu'en vue de parer un danger grave et immédiat. Par conséquent, lorsque il ressort des circonstances de fait, notamment de l'avis du vétérinaire recueilli en application de l'article L. 211-11 précité, que le danger présenté par l'animal n'est pas tel que seule sa mise à mort puisse le parer, il lui appartient de prescrire les mesures appropriées au propriétaire ou au gardien de l'animal dans les conditions prévues au I de l'article précité, et de n'ordonner l'euthanasie que dans le cas où les prescriptions alors énoncées n'auraient pas été observées.


4 - Compte tenu du danger grave et immédiat que représentait ce bovin pour la sécurité des personnes et de l'urgence à y remédier, le maire était légalement fondé à mettre en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions du II de l'article L. 211-11, et à faire procéder sans délai ni autre condition à la capture de l'animal et à son placement dans un lieu de dépôt adapté. En revanche, en dépit de témoignages de plusieurs agriculteurs qui auraient tenté de récupérer l'animal, selon lesquels ce dernier se serait montré agressif et dangereux, et du procès-verbal de gendarmerie daté du 24 décembre 2013 qui fait état de l'impossibilité pour les gendarmes d'approcher la vache, la commune de Sainte-Reine de Bretagne n'établit pas que cette vache aurait représenté par elle-même un danger tel qu'il aurait justifié légalement son euthanasie sans condition ni délai. Dans ces conditions, en prescrivant l'euthanasie sans délai de l'animal, alors qu'il n'est pas établi qu'une telle opération n'excédait pas les mesures nécessaires pour prévenir le danger représenté par cet animal déjà capturé, le maire de Sainte-Reine de Bretagne a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

 

5 – Le juge d’appel rappelle que l’euthanasie d’un animal qui fait courir un danger grave et immédiat ne peut être mis en en œuvre sans délai que si c’est la seule façon de prévenir le danger. En l’espèce, l’animal ayant été capturé, le danger n’est plus immédiat. Ce n’est donc qu’à l'issue d'un délai franc de garde de huit jours ouvrés, que si le propriétaire ou le détenteur ne présente pas toutes les garanties quant à l'application des mesures prescrites, le maire peut autoriser le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d'un vétérinaire , soit à faire procéder à l'euthanasie de l'animal, soit à en disposer.