03/01/2019
Il existe deux procédures d’euthanasie des animaux présentant un danger grave et immédiat. Celle, générale, du II de l’article L211-11 du CRPM (voir arrêt de la CAA de Nantes du même jour), et celle des chiens mordeurs de l’article L211-14-2 du CRPM. La Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que cette dernière, quoique issue de la loi du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, s’applique à tous les chiens et non uniquement aux types de chiens, réputés dangereux, visés à l'article L211-12 et inclus dans la liste de l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour son application.
1 - Le 6 mars 2015, le chien dénommé " Santino ", de race malinois et âgé de 8 ans, a mordu deux personnes sur la voie publique à Orléans. A la suite de cet incident, le maire d'Orléans a, par un arrêté du même jour pris en application des dispositions de l'article L211-14-2 du code rural et de la pêche maritime, mis en demeure M.A..., alors propriétaire du chien, de procéder dans les 24 heures à la première des trois visites vétérinaires prévues, en cas de morsure d'une personne, par l'article L. 223-10 du même code, et de faire procéder dans un délai de huit jours à l'évaluation comportementale de l'animal prévue par l'article L. 211-14-1, sous peine de son placement dans un lieu de dépôt adapté à son accueil et à sa garde. Si M. A...a bien soumis son chien à trois visites vétérinaires les 12, 19 et 30 mars 2015, aucune évaluation comportementale de l'animal n'a en revanche été réalisée pendant la même période. Le chien " Santino " a de nouveau mordu les 10 avril et 24 septembre 2015, toujours sur la voie publique à Orléans. Constatant alors l'absence de réalisation de l'évaluation comportementale, le maire d'Orléans a décidé, par arrêté du 25 septembre 2015, de placer l'animal au refuge de la SPA de Chilleurs-aux-Bois. Dans ce cadre, le chien a été examiné le 5 octobre 2015 par un premier vétérinaire, qui a constaté qu'il était " ingérable " et qu'il présentait un danger pour la sécurité des personnels du refuge et des soignants. Une évaluation comportementale a ensuite été réalisée le 30 octobre 2015 par un vétérinaire habilité à cette fin par arrêté préfectoral, qui a conclu au classement de l'animal au niveau quatre de risque de dangerosité, niveau maximal prévu par l'article D. 211-3-2 du code rural et de la pêche maritime, et a préconisé une euthanasie dans les plus brefs délais. Par arrêté du 17 novembre 2015 pris en application du dernier alinéa de l'article L211-14-2 du code rural et de la pêche maritime, le maire d'Orléans a ordonné qu'il soit procédé à l'euthanasie du chien " Santino ".
2 - La cour administrative d’appel de Nantes, saisi du litige, a jugé le 4 janvier 2019 (18NT00839) que, s’il résulte des dispositions du code rural et de la pêche maritime que l'autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d'un animal qu'en vue de parer un danger grave et immédiat, il ressort des dispositions de l'article L211-14-2 du même code, éclairées par les travaux parlementaire préalables à l'adoption de l'article 7 de la loi du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux dont elles sont issues, qu'elles s'appliquent à l'ensemble des chiens ayant mordu une personne et non uniquement aux types de chiens, réputés dangereux, visés à l'article L211-12 du même code et inclus dans la liste de l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour son application, au nombre desquels ne figurent pas les malinois.
3 - En outre, les dispositions de l'article L211-14-2 et du II de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime ne prévoient aucune formalité préalable au placement et à l'euthanasie d'un animal dès lors que la situation de danger grave et immédiat est caractérisée. Dès lors, le maire n'était pas tenu, compte tenu de l'urgence, de permettre à M. H...de présenter ses observations avant de prendre sa décision en application de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000.
4 - Il est vrai, soulignent les juges, qu'il ressort du compte-rendu rédigé par le docteur vétérinaire ayant procédé, sur demande du maire, à l'évaluation comportementale de l'animal, que celle-ci s'est déroulée après plus d'un mois de captivité, sans contact direct avec l'animal et en l'absence de son précédent maître, auquel il était lié par un attachement qualifié " d'exceptionnel " par un jugement du 9 octobre 2015 du tribunal de grande instance d'Orléans statuant en matière correctionnelle. De telles conditions d'évaluation, qui ont au demeurant résulté de la carence de M. A...à y pourvoir antérieurement de sa propre initiative, ainsi qu'il en avait l'obligation légale, ont pu conduire à surestimer la dangerosité de l'animal, alors qu'il résulte de l'instruction qu'il n'a mordu, dans un but exclusivement défensif, que des personnes qui ont eu des gestes agressifs à l'égard de son propriétaire sans jamais se montrer menaçant pour de simples passants sur la voie publique. Par ailleurs, n'a pas été pris en compte le fait que le chien " Santino " a été cédé au cours du mois d'octobre 2015 par M. A...à M.H..., lequel réside dans une ferme en Saône-et-Loire, ni par suite étudiée la possibilité pour l'animal de résider chez son nouveau propriétaire dans cet environnement rural, sans présenter de danger pour l'ordre public. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, ces éléments apparaissent insuffisants, au regard notamment de la réitération des cas de morsure et des appréciations portées successivement par deux docteurs vétérinaires sur la dangerosité de l'animal, pour considérer qu'en décidant de procéder à l'euthanasie de l'animal, le maire d'Orléans aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au vu du danger grave et immédiat que représentait le comportement du chien " Santino ", et que cette décision aurait présenté un caractère disproportionné au regard des nécessités de sauvegarde de l'ordre public.