Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
Jurisprudences relatives aux sous produits animaux

Transfert des sous-produits

22/05/2019

La Cour européenne de justice a jugé le 23 mai 2019 (C634-17) que les transferts de sous-produits animaux relevant du règlement 1069/2009 ne sont pas soumis aux dispositions du règlement 1013/2006 concernant les transferts de déchets, sauf dans les cas où le règlement 1069/2009 le prévoit expressément.

Les éléments de fait

ReFood exploite en Allemagne une activité de transfert de restes alimentaires et de table, y compris des sous-produits animaux. Le 7 avril 2014, un véhicule poids lourd, conduit par un membre du personnel de ReFood et chargé de sous-produits animaux de catégorie 3, au sens du règlement 1069/2009, collectés aux Pays-Bas, a été contrôlé par la police allemande alors que ces produits étaient acheminés vers un établissement de ReFood situé en Allemagne où ils devaient être retraités afin d’être, ensuite, valorisés dans une installation de biogaz, également située en Allemagne.

Les autorités ont ordonné à ReFood de renvoyer le chargement en cause aux Pays-Bas, au motif que cette société ne s’était pas conformée à la procédure de notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement 1013/2006.

Le 16 juillet 2014, ReFood a contesté la légalité de l’injonction prononcée. En effet, selon ReFood, le transfert des sous-produits animaux effectué n’était pas couvert par le champ d’application du règlement 1013/2006, de sorte que l’obligation de notification prévue par ce règlement ne lui était pas applicable.

 

Le problème juridique

La juridiction saisie se demande si ce transfert relève de ce champ d’application ou s’il en est exclu en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous d), dudit règlement. Ni la jurisprudence de la Cour ni les travaux préparatoires du même règlement ne permettraient de répondre à cette question. Ainsi, plusieurs interprétations de cette disposition seraient envisageables.

Premièrement, l’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement 1013/2006 pourrait, ainsi que le fait valoir ReFood et malgré ce que laisse entendre le libellé de cette disposition, être interprété comme excluant, de manière inconditionnelle, du champ d’application de ce règlement tout transfert couvert par le règlement 1069/2009, qui a abrogé et remplacé le règlement 1774/2002. Toutefois, selon la juridiction de renvoi, si une telle interprétation devait être suivie, un traitement et une élimination uniformes des sous-produits animaux et une harmonisation des contrôles au sein de l’Union européenne ne seraient pas assurés, les États membres n’étant, conformément au règlement 1069/2009, soumis qu’à l’obligation d’éviter les risques pour la santé humaine et animale ainsi que de garantir un système de collecte et d’élimination efficace des sous-produits animaux.

Deuxièmement, l’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement 1013/2006 pourrait être interprété en ce sens que ne seraient exclus du champ d’application de ce règlement en vertu de cette disposition que les transferts de sous-produits animaux relevant de dispositions procédurales équivalentes ou plus strictes que celles prévues par ledit règlement. Selon la juridiction de renvoi, pourraient ainsi bénéficier de cette exclusion les transferts de déchets de cuisine de catégorie 3 compte tenu des prescriptions du règlement 142/2011.

Troisièmement, l’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement 1013/2006 pourrait, comme le soutienent les autorités, être interprété en ce sens que ne sont exclus du champ d’application de ce règlement en vertu de cette disposition que les transferts de sous-produits animaux requérant un agrément au titre de l’article 48, paragraphe 1, du règlement 1069/2009. La juridiction de renvoi souligne qu’une telle interprétation pourrait toutefois aboutir à une contradiction insurmontable. En effet, les exigences prévues audit article 48 ne concerneraient, pour l’essentiel, que les matières des catégories 1 et 2, de sorte que l’exclusion du champ d’application du règlement 1013/2006 prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous d), de celui-ci ne s’appliquerait pas aux sous-produits animaux de catégorie 3. Il s’ensuivrait que le transfert transfrontalier de ces sous-produits, qui sont les moins dangereux, resterait soumis aux exigences, en général, plus strictes du règlement 1013/2006, alors que le transfert des sous-produits animaux, plus dangereux, des catégories 1 et 2 ne relèverait, sauf exception, que du règlement 1069/2009.

La juridiction de renvoi souligne, à cet égard, que l’article 48, paragraphe 6, du règlement 1069/2009 ne soumet expressément au respect du règlement 1013/2006, soit au niveau d’exigence le plus élevé, que le transfert des sous-produits animaux de catégories 1 et 2 et de certains produits dérivés qui ont été mélangés avec des déchets classés comme dangereux ou qui ont été contaminés par de tels déchets. Ainsi, il pourrait apparaître injustifié d’appliquer le régime prévu par ce dernier règlement également au transport transfrontalier de sous-produits animaux de catégorie 3 qui n’ont pas été contaminés par des déchets dangereux.

 

La question préjudicielle

Dans ces conditions, le tribunal administratif d’Oldenbourg, Allemagne a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

1) L’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement 1013/2006 doit-il être interprété en ce sens qu’il exclut tous les transferts qui entrent dans le champ d’application du règlement 1069/2009 au titre de l’article 2 de ce dernier règlement ?

2) Si la première question appelle une réponse négative :

Cette disposition doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle exclut les transferts pour lesquels il existe des règles relatives à la collecte, au transport, à l’identification et à la traçabilité au titre du règlement 1069/2009, lu en combinaison avec le règlement 142/2011?

3) Si la deuxième question appelle une réponse négative :

Cette disposition doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle n’exclut que les transferts qui constituent des expéditions requérant un agrément au titre de l’article 48, paragraphe 1, du règlement 1069/2009 ?

 

Le raisonnement de la Cour

La juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement 1013/2006 doit être interprété en ce sens que sont exclus du champ d’application de ce règlement, en vertu de cette disposition, tous les transferts de sous-produits animaux relevant du règlement 1069/2009 ou uniquement certains de ces transferts, répondant à des conditions spécifiques imposées par ce dernier règlement.

 

Comme l’indiquent les considérants 5 et 6 le règlement 1069/2009, celui-ci tend, d’une part, à établir un cadre cohérent et complet de règles sanitaires applicables notamment au transport des sous-produits animaux, qui soient proportionnées aux risques sanitaires que pose la manipulation de ces sous-produits par des exploitants aux différents stades de la chaîne, de leur collecte à leur utilisation ou à leur élimination, et qui tiennent compte des risques pour l’environnement liés aux différentes opérations. D’autre part, ainsi qu’il ressort des considérants 57 et 58 du règlement 1069/2009, celui-ci vise également, dans un souci de cohérence de la législation de l’Union, à clarifier les interactions entre les dispositions de ce règlement et la législation de l’Union relative aux déchets, notamment le règlement 1013/2006, s’agissant de l’exportation, de l’importation et du transfert entre deux États membres de sous-produits animaux.

 

L’article 41, paragraphe 2, sous b), et l’article 43, paragraphe 5, sous b), du règlement 1069/2009 prévoient, respectivement, que l’importation et le transit, d’une part, ainsi que l’exportation, d’autre part, des sous-produits animaux ou des produits dérivés mélangés avec, ou contaminés par, de tels déchets dangereux ne s’effectuent, par dérogation, que sous réserve des dispositions du règlement 1013/2006.

 

Il découle ainsi d’une lecture, a contrario, de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de l’article 43, paragraphe 5, sous b), et de l’article 48, paragraphe 6, du règlement 1069/2009 que, en dehors des hypothèses expressément visées à ces dispositions, le transfert de sous-produits animaux échappe à l’application du règlement 1013/2006. Tel est, en particulier, le cas du transport d’un État membre vers un autre des déchets de cuisine de catégorie 3.

 

Il en résulte que le législateur de l’Union a entendu, par le règlement 1069/2009, adopté postérieurement au règlement 1013/2006, instituer un cadre complet de règles applicables au transport des sous-produits animaux et soustraire, sauf dérogation expresse, le transfert des sous-produits animaux qu’il couvre de l’application du règlement 1013/2006.

 

En revanche, l’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement 1013/2006 ne saurait être interprété en ce sens, d’une part, que les transferts de sous-produits animaux ne seraient exclus du champ d’application de ce règlement que dans la mesure où ils seraient soumis à des dispositions procédurales équivalentes ou plus strictes que celles prévues par ledit règlement.

 

La décision de la Cour

La Cour consière qu'il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 1er, paragraphe 3, sous d), du règlement 1013/2006 doit être interprété en ce sens que les transferts de sous-produits animaux relevant du règlement 1069/2009 sont exclus du champ d’application du règlement 1013/2006, sauf dans les hypothèses où le règlement 1069/2009 prévoit expressément l’application du règlement 1013/2006.