06/11/2018
La Cour de cassation a jugé le 6 novembre 2018 (17-81703) que le non-respect, par un enquêteur, de l'obligation d'informer préalablement le procureur de la République des opérations envisagées affecte nécessairement la validité de tous les actes effectués conjointement avec d'autres enquêteurs, même non soumis à cette contrainte.
1 - A la suite de vérifications opérées en décembre 2011 dans une pharmacie, dans le cadre d'une enquête nationale sur les conditions de délivrance de certains médicaments vétérinaires détournés de leur usage notamment à des fins de dopage, un inspecteur en chef de santé publique vétérinaire et deux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ont procédé à la saisie de l'ordonnancier de cette officine et ont constaté que la moitié des délivrances de médicaments vétérinaires durant les années 2010 et 2011 résultait de prescriptions d’un vétérinaire éloigné géographiquement de la pharmacie concernée ; que les trois agents ont en conséquence entrepris des vérifications relatives aux conditions de prescription des médicaments et ont établi un procès-verbal d'infraction, pour prescription, par un vétérinaire, de médicaments vétérinaires à des animaux auxquels il ne donne pas personnellement des soins ou dont la surveillance sanitaire et le suivi régulier ne lui sont pas confiés.
2 - Le tribunal saisi a fait droit à l'exception de nullité soulevée par les prévenus, a annulé la procédure et a relaxé les prévenus au motif de l'absence d'information préalable du procureur de la République par l’inspecteur de la santé publique vétérinaire qui, agissant au titre de l'article L. 5146-2, 3°, du code de la santé publique, devait faire application de l'article L. 5411-2 du même code qui prescrit cette formalité.
3 – La cour de Cassation (17-81703) a confirmé cette décision en énonçant « que le non-respect, par un enquêteur, de l'obligation d'informer préalablement le procureur de la République des opérations envisagées affecte nécessairement la validité de tous les actes effectués conjointement avec d'autres enquêteurs, même non soumis à cette contrainte ».
4 – Ainsi, le fait que le procès-verbal ait été signé non seulement par l’inspecteur de la santé publique vétérinaire, mais aussi par deux agents de la répression des fraudes, qui agissant au titre du code de la consommation, n’étaient pas soumis à l’obligation d’information préalable du procureur de la République, est sans incidence sur la nullité : une enquête effectuée conjointement par deux services ne donne pas aux enquêteurs d'un service des pouvoirs qui ne leur sont pas dévolus par la loi, chaque service devant agir selon ses propres prérogatives.
5 - La signature conjointe par plusieurs agents d’un même procès-verbal, quand elle n’est pas rendue absolument nécessaire par les constatations qui y sont rapportées, doit être écartée : elle est source de ralentissement des procédures d’établissement du procès-verbal et engendre des difficultés procédurales pouvant annuler l’ensemble de la procédure.
6 – Le formalisme imposé par l’article L. 5411-2 du code de la santé publique est le même que celui des articles L205-3 et L205-5 du code rural et de la pêche maritime qui gouvernent la procédure de police judiciaire pour les infractions au livre II du code rural et de la pêche maritime. L’information préalable du procureur de la République, quand l’infraction constatée n’est pas découverte fortuitement à l’occasion d’une intervention de police administrative, mais délibérément recherchée, est une obligation dont le non respect entraîne la nullité de la procédure appuyée sur le procès-verbal établi dans ces circonstances.