19/11/2018
La Cour administrative d’appel de Paris a jugé que les contrôles menés en vue de la recherche d'infractions aux dispositions régissant la vente au détail de médicaments vétérinaires dans les pharmacies d’officine étaient réalisés en application des dispositions du code de la santé publique quand bien même le procès verbal aurait été établi au visa du seul article 215-3 du code de la consommation.
1 - L'union nationale pour la pharmacie vétérinaire d'officine (UNPVO) a demandé à la Cour administrative d’appel de Paris de condamner l’État pour ses pratiques en matière de contrôle des pharmacies vétérinaires aux motifs que
- le contrôle et la copie de documents, réalisés sur le fondement du code de la consommation, et non sur celui du code de la santé publique, qui offre davantage de garantie, sont irréguliers ;
- le nombre des contrôles visant les pharmacies vétérinaires est disproportionné au regard de ceux visant les médecins et les cliniques vétérinaires et que cette disproportion porte atteinte au principe d'égalité devant la loi.
2. Le 20 novembre 2018, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris (17PA01536) a considéré que les "vétérinaires officiels" et les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent légalement effectuer, le cas échéant conjointement, des enquêtes ayant pour objet de rechercher et constater les infractions aux dispositions relatives à la délivrance de médicaments vétérinaires ; que, pour ce faire, les " vétérinaires officiels " peuvent réaliser les mesures d'enquête prévues par les articles du code de la santé publique tandis que les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes disposent des pouvoirs prévus au livre II du code de la consommation.
3 - Il ressort des procès-verbaux de déclaration et de saisie de documents que les contrôles ont été réalisés dans le cadre d'une inspection conjointe d’un inspecteur-expert de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et d’un inspecteur en chef de santé publique vétérinaire ; que ces deux inspecteurs tenaient des articles L. 5146-1 et L. 5146-2 du code de la santé publique leur compétence pour assurer les contrôles et rechercher les infractions ; que la seule circonstance que les procès-verbaux ont été pris au visa du seul article 215-3 du code de la consommation et que les articles L. 1421-1 et suivants du code de la santé publique n'aient pas été également visés est sans influence sur la compétence de ces inspecteurs pour mener les contrôles et constater d'éventuelles infractions.
4 - L’inspecteur-expert de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, signataire des procès-verbaux en litige, pouvait, en application de l'article L. 215-3 du livre II du code de la consommation alors applicable (devenu depuis les articles L512-5 et suivants du code de la consommation), accéder aux locaux de pharmacie et exiger la communication, obtenir copie ou procéder à la saisie des documents de toute nature, propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer ses vérifications ; que la circonstance que le procès-verbal d'inspection conjointe ait également été signé par l’inspecteur en chef de santé publique vétérinaire, dont les pouvoirs sont régis par le code de la santé publique, n'a pas eu pour effet d'entacher d'irrégularité les contrôles réalisés dans ces pharmacies et les mesures de prise de copie ou de saisie de documents réalisés dans ce cadre.
5 - Sur l’équité des contrôles, la Cour a considéré que les mêmes règles s'appliquent au contrôle des pharmacies d'officine et aux vétérinaires praticiens qui sont soumis aux mêmes obligations ; que les allégations de l'UNPVO qui soutient que les contrôles dans les pharmacies se déroulent dans une ambiance qu'elle qualifie de délétère tandis que les inspections des cabinets et cliniques vétérinaires se dérouleraient, selon ses dires, dans une ambiance détenue et agréable, dans des conditions beaucoup plus respectueuses et confraternelles, qui se fondent sur un nombre très limité de témoignages individuels, ne permettent pas de tenir pour établie l'existence d'une différence de traitement entre les deux professions.
6 - Lorsqu'elle établit un programme de contrôle des pharmacies délivrant des médicaments pour les animaux et des vétérinaires, l'administration, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, peut tenir compte d'éléments multiples et notamment du nombre d'établissements délivrant des médicaments vétérinaires, des quantités délivrées par chacun d'entre eux, des risques d'infractions qui se seraient révélés à l'expérience, des antécédents particuliers des établissements inspectés, ainsi que de tout autre motif légitime ; que cependant, la différence entre le nombre de contrôles réalisés dans les pharmacies d'officine et les vétérinaires ne doit pas être manifestement disproportionnée, ni présenter le caractère d'une discrimination indirecte.
7 - L'UNPVO fait valoir que les pharmacies qui distribuent approximativement 10% des médicaments vétérinaires représentent jusqu'à 70% des établissements contrôlés, tandis que les vétérinaires, qui en distribuent approximativement 60% ne représentent que 30% des contrôles ; qu'elle y voit une atteinte au principe d'égalité et une discrimination indirecte ; que cependant, s'il ressort des rapports annuels du plan national de contrôles officiels pluriannuels qu'en 2015, 334 contrôles ont visé les pharmacies et 119 contrôles ont visé les vétérinaires, l'écart était moins significatif en 2016, année au cours de laquelle 132 pharmacies et 143 vétérinaires ont été contrôlés, et en 2014, année au cours de laquelle 117 pharmaciens et 94 vétérinaires ont été inspectés ; que, par ailleurs, le risque de délivrance irrégulière de médicaments vétérinaires que les inspections ont pour mission d'identifier est davantage lié au nombre d'établissements susceptibles de délivrer de tels produits qu'aux quantités effectivement délivrées ; qu'en l'espèce, si la quasi-totalité des quelque 6 700 vétérinaires disposent de ces produits, il ressort du rapport de l'inspection générale des affaires sociales de 2016 qu'au moins 55% des quelque 22 000 pharmacies, soit environ 12 000 officines, vendent également des médicaments vétérinaires ; que la circonstance que les quantités vendues soient généralement faibles ne justifie pas que les pharmacies doivent échapper à un contrôle régulier ; que s'il est en effet vraisemblable que les contrôles pèsent plus lourdement sur un nombre réduit de pharmacies rurales que sur d'autres officines, cette différence de traitement n'est pas sans rapport avec l'objet des contrôles ; qu'il ne ressort pas des éléments statistiques produits et des arguments échangés par les parties que la proportion de pharmacies contrôlées serait anormalement élevée et les inspections anormalement fréquentes au regard des possibilités de délivrance irrégulière des médications en cause, tandis que les établissements vétérinaires bénéficieraient de contrôles moins fréquents ; que les inspections ne présentent pas dès lors de caractère discriminatoire.
8 - Cet arrêt peut paraître curieux : la CAA de Paris se prononce sur la validité de la procédure de recherche d’infractions et de procès-verbaux de constatation d’infractions sans se justifier de ce qui paraît être une atteinte manifeste au principe de séparation des pouvoirs, ces sujets étant généralement considéré de la compétence exclusive des tribunaux de l’ordre judiciaire. De plus la cohérence avec la position récente de la Cour de cassation à propos d’un procès-verbal rédigé dans les mêmes circonstances n’apparaît pas de façon évidente.