Cette page présente diverses observations juridiques sur le domaine de la santé animale
13/10/2018
A - Les classifications des animaux
1 - Les animaux étant l'objet même du règlement il convient de les définir précisément mais aussi simplement que possible. Le règlement retient deux classifications principales et deux classifications secondaires.
2 - La première des distinctions est faite entre les animaux détenus et les animaux sauvages. les animaux détenus sont ceux qui le sont par l'être humain. Les animaux sauvages sont les autres. Cette approche simple et pragmatique sépare clairement l'homme des animaux et, surtout, ne recourt pas à la notion d'animal domestiques qui handicape tant la législation française obligée à des contorsions savantes pour définir le domestique et intégrer les animaux sauvages en captivité ou apprivoisés à la plupart des dispositions concernant les animaux domestiques.
3 - La seconde distinction, tout aussi pragmatique, distingue les animaux terrestres (mammifères terrestres, oiseaux, mais aussi abeilles) des animaux aquatiques, à l'identique de ce que fait l'OIE. Les autres animaux regroupe notamment les autres vertébrés terrestres tels les amphibiens et les reptiles.
4 - Plus secondairement, parmi les oiseaux, le règlement sépare les volailles (oiseaux détenus à des fins alimentaires ou de repeuplement, y compris leurs reproducteurs) des oiseaux captifs (les autres oiseaux détenus à des fins d'ornement, d'activité culturelle,...). Gallus gallus est ainsi une volaille quand il est destiné à la ponte d’œufs de consommation, mais un autre oiseau quand il est sélectionnée pour le combat.
5 – Enfin la définition des animaux de compagnie est à la fois moins précise et plus complexe puisqu’il s’agit d’animaux appartenant à une liste annexée au règlement (chiens, chats, furets, certains oiseaux, mais aussi notamment certains poissons ou des invertébrés) détenus à des fins privées non commerciales. Cette liste fait ainsi des Gallus gallus détenus par des particuliers à des fins personnelles alimentaires ou ornementales, des volailles comme les autres. Le chien détenu en vue de la vente n’est pas animal de compagnie. Il le deviendra après sa vente à un particulier. Le chien de gardiennage est sans doute un animal de compagnie car il ne participe pas à une activité commerciale quoiqu’elle soit lucrative.
6 – Si les ongulés, groupe central du règlement, sont définis par une liste exhaustive d’espèces, les bovins ne sont pas définis dans ce règlement.
B - Les maladies
1 – Tout aussi fondamentale et délicate que celles les animaux, la typologie des maladies est au cœur du règlement. Là encore la démarche de l’Union est marquée par le pragmatisme. Ainsi échappe-t-on à la notion désormais peu opérante des maladies contagieuses mais aussi au classement français, très délicat, en fonction des responsabilité des acteurs.
2 – Le choix de l’Union est de distinguer les maladies selon les objectifs de la politique européenne. Ainsi quatre catégories distinguent les maladies à éradication immédiate, les maladies à éradication obligatoire , les maladies sous surveillance et les maladies dont les États membres sont libres des modalités de lutte et qui sont appelées maladies à éradication facultative. Il est à noter que du point de vue d’un éleveur d’un État membre, il n’a que deux catégories : celles à éradication qui comprend celles communes (à éradication immédiate ou non) à toute l’Union et celles propres à son État et les maladies à surveillance.
Une cinquième appellation, qui n’est pas à proprement parler une catégorie vient compliquer la classification : les maladies faisant l’objet de mesures lors des échanges d’animaux. Les maladies des deux premières catégories font partie de cette dernières mais aussi une partie des maladies à éradication facultatives et sans doute quelques autres maladies.
3 – Cette classification associe à chaque catégorie les mesures applicables en renvoyant aux parties du règlement qui décrivent des mesures : la partie III - mesures de lutte contre les maladies pour les maladies à éradication immédiate obligatoire et la partie IV - enregistrement, agrément, traçabilité et mouvements, pour les maladies faisant l’objet de mesures aux échanges.
4 – Ces maladies sont dénommées des maladies répertoriées par opposition d’une part aux maladies existantes mais non répertoriées au titre du règlement car leurs caractéristiques, que le règlement appelle profil, ne justifie d’aucune mesures, et d’autre part, les maladies émergentes qui ont un profil susceptible de les faire répertorier mais qui ne sont pas encore connues.
C - Les acteurs
1 - Le règlement 429/2016 abandonne les notions d'éleveur et sauf pour les animaux de compagnie, de détenteur ou de propriétaire. Il utilise quatre catégories pour définir les acteurs.
2 – L'opérateur, défini comme toute personne physique ou morale ayant des animaux ou des produits sous sa responsabilité, y compris pour une durée limitée, mais à l'exclusion des détenteurs d'animaux de compagnie et des vétérinaires, est une notion très large qui englobe notamment les éleveurs, les négociants, les transporteurs, les abatteurs, les centres d'insémination,…
3 – Le professionnel lié aux animaux est une personne physique ou morale en rapport, par son activité professionnelle, avec des animaux ou des produits, et qui n'est ni un opérateur ni un vétérinaire. Cette définition, qui recouvre notamment les agents d'identification, les inséminateurs, les employés d'abattoir ou encore les toiletteurs, exclut la troisième catégorie, les vétérinaires qui ne reçoivent pas de définition spécifique dans le règlement.
4 – Le détenteur d'animal de compagnie est une une personne physique détenant un animal de compagnie, qui peut être son propriétaire.
5 – Le règlement précise que le transporteur est un opérateur transportant des animaux pour son compte propre ou pour celui d'un tiers. Ainsi un éleveur peut être un transporteur. Dans tous les cas, il est un opérateur.
6 – Ainsi, à l'exception du détenteur d'animal de compagnie, les acteurs sont indifféremment des personnes physiques ou morales. Leur rapport à l'animal est donc plus un rapport juridique de responsabilité qu'un rapport physique de détention ou de maîtrise matérielle ou psychologique.
D- Les lieux
1 - L’unité de lieu la plus petite définie par le règlement est l’établissement, compris comme tout local, toute structure ou, dans le cas de l'agriculture de plein air, tout milieu ou lieu dans lequel sont détenus des animaux ou des produits germinaux, à titre temporaire ou permanent, à l'exclusion des habitations où sont détenus des animaux de compagnie et des cabinets ou cliniques vétérinaires. Tous les établissements sont recensés par l’État membre.
2 – Le compartiment est une sous-population animale contenue dans un ou plusieurs établissements relevant d'un système commun de gestion de la biosécurité et caractérisée par un statut sanitaire distinct au regard d'une ou de plusieurs maladies particulières.
3 – Enfin, la zone pour les animaux terrestres est une région répondant à une délimitation géographique précise, qui comporte une sous-population animale caractérisée par un statut sanitaire distinct au regard d'une ou de plusieurs maladies particulières.
Pour les animaux aquatiques, il s’agit un système hydrologique ininterrompu (bassin versant, estuaire ou région côtière) caractérisé par un statut sanitaire au regard d'une ou de plusieurs maladies particulières.
E - Les outils d’action sanitaire
1 - Le principal concept utilisé par le règlement pour gérer la situation sanitaire du cheptel européen est le statut sanitaire qui se définit comme le statut, au regard des maladies répertoriées pertinentes, d'un animal ou des animaux présents dans un établissement, une zone, un compartiment, dans un État membre, un pays tiers ou territoire. Le statut « Indemne de maladie » est la reconnaissance administrative normalisée de l’absence de la maladie conférée par la Commission.
2 – La biosécurité est l'ensemble des mesures destinées à réduire le risque d'introduction, de développement et de propagation des maladies à une population animale ou à un établissement, à une zone, à un compartiment, à un moyen de transport ou à tout autre site, installation ou local. Elle comprennent des mesures matérielles comme la structure désinfectable d’un local ou des mesures fonctionnelles comme la restriction des accès à un établissement.
3 - le programme d’éradication est un programme d’actions visant à éradiquer une maladie ou à démontrer que l'État membre en est indemne, qui sera mené dans les populations animales concernées par cette ou ces maladies et qui s'applique jusqu'à ce que soient remplies les conditions d'obtention du statut «indemne de maladie». Il est obligatoire quand il s’applique à une maladie répertoriée à éradication obligatoire ; il est optionnel quand il s’applique à une maladie répertoriée à éradication facultative. Il peut s’appliquer à un compartiment, une zone, un État membre ou une partie d’un État membre.
06/10/2018
1 - L’article 124 du règlement 429/2016, dit loi de santé animale, est relatif aux « Exigences générales applicables aux mouvements » d’animaux terrestres au sein de l’Union. Il prescrit avec bon sens que les opérateurs doivent prendre les mesures de prévention appropriées pour que les mouvements d’animaux ne compromettent pas le statut sanitaire du lieu de destination.
2 - Il reprend l’esprit de dispositions de directives antérieures qui imposaient aux États membres qu’ils veillent à ce que les animaux expédiés dans d’autres États membres soient indemnes de maladies contagieuses (voir notamment directive 64/432, art.3, directive 92/65, art 6, 7, 8 et 10, directive 2009/158, art. 6 et 18).
2 - Cependant il innove fondamentalement, outre par son caractère immédiatement applicable lié à sa qualité de règlement, sur trois points :
- la prescriptions ne s’adresse pas aux états membres mais aux opérateurs c’est-à-dire, selon l’article 4 du règlement « toute personne physique ou morale ayant des animaux ou des produits sous sa responsabilité, y compris pour une durée limitée, mais à l'exclusion des détenteurs d'animaux de compagnie et des vétérinaires; » qui comprend donc les éleveurs, les opérateurs commerciaux et les transporteurs ;
- la prescription est à la fois beaucoup plus générale en ce sens qu’elle vise à éviter de compromettre « le statut sanitaire du lieu de destination » sans précision d’espèce, mais aussi plus précise car elle se limite aux maladies répertoriées faisant l’objet de mesures aux échanges (visées à l'article 9, paragraphe 1, point d) ;
- la prescription ne se limite pas aux seuls mouvements entre États membres mais concerne, comme l’exprime le titre du chapitre 3 (Mouvements d'animaux terrestres détenus au sein de l'Union) et de la section 1 (Exigences générales applicables aux mouvements) auxquels appartient l’article 124, tous les mouvements d’animaux terrestres au sein de l’Union. Les sections suivantes du même chapitre sont clairement réservées aux mouvement entre États membres. Ainsi, par exemple, la section 2 s’intitule « mouvements entre États membres ».
3 - Ainsi tout opérateur qui procède au mouvement d’un animal terrestre au sein de l’Union, même au sein du même État membre, est tenu de veiller à ne pas compromettre le statut sanitaire du lieu de destination au regard des maladies faisant l’objet de mesures aux échanges, c’est-à-dire très probablement de la grande majorité des maladies répertoriées.
4 – Selon l’article 268 du règlement, les États membres devront définir d’ici avril 2022 le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
5 – Les principes généraux du droit pénal interdisant de punir quelqu’un pour un fait qu’il n’est pas en mesure de ne pas accomplir, la combinaison des dispositions de l’article 124 et de l’article 268 impose aux États membres de mettre tout opérateur, y compris le transporteur, qui procède à un mouvement d’animal terrestre en situation de connaître l’état sanitaire du lieu où il destine les animaux. Si l’état sanitaire des zones réglementées est connu du fait même de la publication de la réglementation de ces zones, il n’en va pas de même aujourd’hui de l’état sanitaire des élevages qui devra donc être rendu public.
6 - Cette exigence est très partiellement appliquée aujourd’hui en France, uniquement en matière porcine puisque le site Infoporc, délégataire de l’enregistrement de l’identification et des mouvements des animaux de l’espèce porcine fournit, avec l’accord des éleveurs concernés, quelques éléments d’information sur le statut sanitaire des cheptels porcins.
7- Cependant pour ce qui concerne les animaux des espèces bovine, ovine et caprine, les statuts sanitaires notamment ceux relatifs à la brucellose, la tuberculose, la leucose ou l’IBR sont toujours considérés comme confidentiels. Un opérateur ne peut aujourd’hui s’assurer que, déplaçant des animaux d’un établissement à un autre en passant par un troisième, le statut de ce dernier, qu’il ignore et que ne lui révélera pas nécessairement son responsable, ne sera pas de nature à compromettre celui de destination. De même un transporteur pourra effectuer le transfert d’animaux au statut incertain ou infecté vers un cheptel au statut indemne sans avoir le moyen de s’en prémunir préalablement.
8 - Pour permettre l'application de l’article 124 du règlement 429/2016, il est indispensable que soit mis en place un dispositif qui permettra aux opérateurs d’apprécier avant tout mouvement la situation sanitaire de la zone et de l’élevage de départ et la situation sanitaire de la zone et de l’élevage de destination. Un tel outil aurait notamment permis d’éviter qu’un bovin contaminé par le sérotype 4 de la fièvre catarrhale ne compromette gravement le statut sanitaire de milliers d’élevages Rhône-alpins.
9 – Le statut sanitaire d’un animal ou d’un cheptel ayant le caractère de donnée personnelle au sens de la loi 78/17 dite "loi informatique et libertés", il faut, pour rendre publique cette donnée, soit recueillir et gérer le consentement de centaines de milliers de détenteurs d’animaux terrestres, soit édicter une disposition législative spécifique.