Cette page présente diverses observations juridiques sur le domaine de la santé animale
06/10/2018
L'article 124 du règlement 429/2016, dit loi de santé animale, qui impose, aux opérateurs procédant à un mouvement d'animaux, le respect du statut sanitaire du lieu de destination, ne préfigure-t-il pas une révolution culturelle sur le caractère public et accessible des statuts sanitaires des élevages?
1 - L’article 124 du règlement 429/2016, dit loi de santé animale, est relatif aux « Exigences générales applicables aux mouvements » d’animaux terrestres au sein de l’Union. Il prescrit avec bon sens que les opérateurs doivent prendre les mesures de prévention appropriées pour que les mouvements d’animaux ne compromettent pas le statut sanitaire du lieu de destination.
2 - Il reprend l’esprit de dispositions de directives antérieures qui imposaient aux États membres qu’ils veillent à ce que les animaux expédiés dans d’autres États membres soient indemnes de maladies contagieuses (voir notamment directive 64/432, art.3, directive 92/65, art 6, 7, 8 et 10, directive 2009/158, art. 6 et 18).
2 - Cependant il innove fondamentalement, outre par son caractère immédiatement applicable lié à sa qualité de règlement, sur trois points :
- la prescriptions ne s’adresse pas aux états membres mais aux opérateurs c’est-à-dire, selon l’article 4 du règlement « toute personne physique ou morale ayant des animaux ou des produits sous sa responsabilité, y compris pour une durée limitée, mais à l'exclusion des détenteurs d'animaux de compagnie et des vétérinaires; » qui comprend donc les éleveurs, les opérateurs commerciaux et les transporteurs ;
- la prescription est à la fois beaucoup plus générale en ce sens qu’elle vise à éviter de compromettre « le statut sanitaire du lieu de destination » sans précision d’espèce, mais aussi plus précise car elle se limite aux maladies répertoriées faisant l’objet de mesures aux échanges (visées à l'article 9, paragraphe 1, point d) ;
- la prescription ne se limite pas aux seuls mouvements entre États membres mais concerne, comme l’exprime le titre du chapitre 3 (Mouvements d'animaux terrestres détenus au sein de l'Union) et de la section 1 (Exigences générales applicables aux mouvements) auxquels appartient l’article 124, tous les mouvements d’animaux terrestres au sein de l’Union. Les sections suivantes du même chapitre sont clairement réservées aux mouvement entre États membres. Ainsi, par exemple, la section 2 s’intitule « mouvements entre États membres ».
3 - Ainsi tout opérateur qui procède au mouvement d’un animal terrestre au sein de l’Union, même au sein du même État membre, est tenu de veiller à ne pas compromettre le statut sanitaire du lieu de destination au regard des maladies faisant l’objet de mesures aux échanges, c’est-à-dire très probablement de la grande majorité des maladies répertoriées.
4 – Selon l’article 268 du règlement, les États membres devront définir d’ici avril 2022 le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
5 – Les principes généraux du droit pénal interdisant de punir quelqu’un pour un fait qu’il n’est pas en mesure de ne pas accomplir, la combinaison des dispositions de l’article 124 et de l’article 268 impose aux États membres de mettre tout opérateur, y compris le transporteur, qui procède à un mouvement d’animal terrestre en situation de connaître l’état sanitaire du lieu où il destine les animaux. Si l’état sanitaire des zones réglementées est connu du fait même de la publication de la réglementation de ces zones, il n’en va pas de même aujourd’hui de l’état sanitaire des élevages qui devra donc être rendu public.
6 - Cette exigence est très partiellement appliquée aujourd’hui en France, uniquement en matière porcine puisque le site Infoporc, délégataire de l’enregistrement de l’identification et des mouvements des animaux de l’espèce porcine fournit, avec l’accord des éleveurs concernés, quelques éléments d’information sur le statut sanitaire des cheptels porcins.
7- Cependant pour ce qui concerne les animaux des espèces bovine, ovine et caprine, les statuts sanitaires notamment ceux relatifs à la brucellose, la tuberculose, la leucose ou l’IBR sont toujours considérés comme confidentiels. Un opérateur ne peut aujourd’hui s’assurer que, déplaçant des animaux d’un établissement à un autre en passant par un troisième, le statut de ce dernier, qu’il ignore et que ne lui révélera pas nécessairement son responsable, ne sera pas de nature à compromettre celui de destination. De même un transporteur pourra effectuer le transfert d’animaux au statut incertain ou infecté vers un cheptel au statut indemne sans avoir le moyen de s’en prémunir préalablement.
8 - Pour permettre l'application de l’article 124 du règlement 429/2016, il est indispensable que soit mis en place un dispositif qui permettra aux opérateurs d’apprécier avant tout mouvement la situation sanitaire de la zone et de l’élevage de départ et la situation sanitaire de la zone et de l’élevage de destination. Un tel outil aurait notamment permis d’éviter qu’un bovin contaminé par le sérotype 4 de la fièvre catarrhale ne compromette gravement le statut sanitaire de milliers d’élevages Rhône-alpins.
9 – Le statut sanitaire d’un animal ou d’un cheptel ayant le caractère de donnée personnelle au sens de la loi 78/17 dite "loi informatique et libertés", il faut, pour rendre publique cette donnée, soit recueillir et gérer le consentement de centaines de milliers de détenteurs d’animaux terrestres, soit édicter une disposition législative spécifique.