Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale

Jurisprudences relatives à la santé animale

Santé animale SA - Police sanitaire

Pouvoirs du ministre et du prefet dans la lutte contre les dangers sanitaires

23/02/2020

1. L'Association de défense des agriculteurs de La Réunion demande l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2017 modifiant l'arrêté du 31 décembre 1990 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la leucose bovine enzootique par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a exclu l'application de certaines des dispositions de cet arrêté sur le territoire de La Réunion.
(…/...)

2 - Il résulte des dispositions de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime que le ministre chargé de l'agriculture est compétent pour prendre, comme il l'a fait par l'arrêté attaqué, des mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies classées parmi les dangers sanitaires de première et deuxième catégories. Si l'association requérante soutient que le préfet de département était seul compétent, il résulte des dispositions précitées des articles L. 201-4, R. 201-5 et D. 221-1 du code rural et de la pêche maritime que le préfet n'est compétent que dans l'hypothèse mentionnée au 1° de l'article L. 201-4 du code relative aux mesures particulières de contrôle que peuvent se voir imposer certains propriétaires ou détenteurs d'animaux, de denrées d'origine animale ou d'aliments pour animaux, ainsi que certains propriétaires ou détenteurs de végétaux.

(…/...)
3 - Il résulte des dispositions de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime, auxquelles aucune dérogation n'est apportée pour l'outre-mer, que, lorsqu'il remplit les conditions fixées pour l'une ou l'autre des deux premières catégories, un danger sanitaire doit y être classé pour l'ensemble du territoire national. Ces dispositions ne font, en revanche, pas obstacle à ce que les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte qu'appelle ce danger sanitaire soient adaptées, compte tenu de ses effets, notamment d'une région à l'autre, dans les conditions définies, sous le contrôle du juge, par l'autorité réglementaire ou dans le cadre des programmes collectifs volontaires.

4 - Il en résulte que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées, adapter l'application des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre la leucose bovine enzootique pour l'île de La Réunion en raison de sa situation épidémiologique particulière.

 

Note: La rédaction maladroite de l'article R201-5 du CRPM qui désigne le préfet de département ou de région comme l'autorité administrative mentionnée au 1° de l'article L. 201-4 ainsi rédigé:

"L'autorité administrative prend toutes mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relatives aux dangers sanitaires de première catégorie. Elle peut prendre de telles mesures pour les dangers de deuxième catégorie.

A ce titre, elle peut, notamment :

1° Imposer à certains propriétaires ou détenteurs d'animaux, de denrées d'origine animale ou d'aliments pour animaux, ainsi qu'à certains propriétaires ou détenteurs de végétaux, des mesures particulières de contrôle adaptées à ces dangers ; 

2°..."

est désormais clarifiée. Dès lors, l'autorité administrative compétente pour les autres dispositions de l'article L. 201-4 est, dans le silence du règlement, le Premier ministre.

 

Indemnisation animale

22/07/2019

1. Le GAEC du Clos des Moines exploite à Givron un élevage constitué d'environ 400 bovins, principalement de race Salers. Par un arrêté du 23 mars 2016, le préfet des Ardennes a déclaré son exploitation infectée par l'encéphalopathie spongiforme bovine. A la suite de cet arrêté, 55 bovins ont été éliminés dans le cadre de l'assainissement du cheptel de l'exploitation. Par arrêtés des 17 mai et 12 juillet 2016, le préfet des Ardennes a fixé la valeur marchande objective des animaux éliminés et le montant de l'indemnisation des frais liés au renouvellement du cheptel.

 

2. Le GAEC du Clos des Moines relève appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à ce que l’État soit condamné à lui verser un complément d'indemnisation.

 

3. Sur le fondement de l'arrêté du 30 mars 2001, le préfet a fixé le montant de l'indemnisation des frais supplémentaires de repeuplement du troupeau à la somme de 275,32 euros par femelle réintroduite, soit 15 % de leur valeur marchande objective moyenne. Le GAEC du Clos des Moines soutient que cette modalité d'indemnisation doit également être appliquée pour les animaux issus du repeuplement en interne de son troupeau. Toutefois, les frais directement liés au renouvellement du cheptel en cas de repeuplement du troupeau en interne ne peuvent pas être indemnisés sur le fondement des dispositions précitées qui ne prévoient pas d'indemnisation dans cette hypothèse. En revanche, ces dispositions, qui n'ont pas pour objet d'imposer l'achat des animaux de renouvellement à l'extérieur de l'exploitation, ne font pas obstacle à ce que les frais de repeuplement du troupeau en interne puissent être indemnisés selon les règles de droit commun de la responsabilité. Par conséquent, le GAEC du Clos des Moines n'est fondé ni à soutenir que l'arrêté du 30 mars 2001 est illégal en tant qu'il ne prévoit pas l'indemnisation des frais de renouvellement du troupeau en interne, ni à se prévaloir de ces dispositions pour obtenir l'indemnisation de ces frais

 

4. Le GAEC du Clos des Moines, qui réclame 66 000 euros à ce titre, se borne à renvoyer à l'expertise du 12 septembre 2016. Celle-ci fait état d'une diminution des ventes résultant d'une perte de confiance des acheteurs à la suite d'une " publicité médiatique auprès du grand public et des milieux professionnels ". Toutefois, les allégations de l'experte sont imprécises et ne sont étayées par aucun élément concret. En outre, il n'est pas même soutenu que le préjudice allégué serait imputable à l'action de l’État. Dans ces conditions, la responsabilité de ce dernier ne saurait être engagée.

 

5 - Ainsi les dires de l'expert ne suffisent pas en eux-même à établir un fait. Ils doivent être étayés par des éléments concrets. La qualité de l'expertise est un élément majeur de la juste indemnisation de l'éleveur.

Définition des dangers sanitaires

19/03/2017

1 - Saisi par une association d'agriculteurs de la Réunion qui contestait que le ministre de l'agriculture puisse réduire la portée du classement de la leucose bovine enzootique en danger sanitaire de deuxième catégorie à une partie du territoire, le Conseil d’État, dans un arrêt (N° 395326) du 20 mars 2017, a précisé la portée géographique du classement d'un danger sanitaire.

 

2 - Il résulte des termes de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime qu'un danger sanitaire, lorsqu'il remplit les conditions fixées pour l'une ou l'autre des deux premières catégories, doit y être classé pour l'ensemble du territoire national. Ces dispositions ne font, en revanche, pas obstacle à ce que les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte qu'appelle ce danger sanitaire soient adaptées, compte tenu de ses effets, notamment d'une région à l'autre, dans les conditions définies, sous le contrôle du juge, par l'autorité réglementaire ou dans le cadre des programmes collectifs volontaires.

 

3 - Par suite, le 1° de l'article 1er de l'arrêté du 4 septembre 2015, qui a pour objet et pour effet de permettre qu'un danger sanitaire ne soit classé en deuxième catégorie que pour une partie du territoire national, méconnaît les dispositions de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime. Il en va de même, par voie de conséquence, des dispositions combinées du 2° de l'article 1er et de l'annexe de cet arrêté, qui procèdent au classement de la leucose bovine enzootique en danger sanitaire de deuxième catégorie pour une partie seulement du territoire national, excluant La Réunion.

Responsabilité de l'Etat

17/05/2015

 1 - "Considérant qu'aux termes de l'article L. 224-3 du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juin 1989, "les propriétaires ou détenteurs d'animaux soumis aux opérations de prophylaxie collective des maladies des animaux dirigées par l’État sont tenus de faire assurer l'exécution de ces opérations, y compris l'abattage. En cas de carence ou de refus, ces opérations peuvent être exécutées d'office aux frais des intéressés par l'administration compétente." ;"

 

2 -" Considérant que Mme C...se prévaut des fautes qui auraient été commises par un vétérinaire investi d'un mandat sanitaire à qui elle avait fait appel pour procéder à la vaccination de son cheptel dans le cadre des mesures prophylactiques décidées par le ministre de l'agriculture contre la fièvre catarrhale ovine et qui avait appliqué en même temps un vermifuge aux animaux ; que le vétérinaire étant intervenu à la demande et pour le compte de l'éleveur, le litige les opposant ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire."

 

 

3 - En affectant la résolution du litige aux tribunaux judiciaires, sur fondement de l'article L224-3 du CRPM qui met l'exécution des opérations de prophylaxie à la charge des éleveurs, le tribunal des conflits (C4000) écarte la responsabilité de l’État, puisqu'en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, les tribunaux judiciaires ne peuvent en connaître. Ainsi, la vaccination étant réalisée à la demande et pour le compte de l'éleveur, peu importe qu'elle soit imposée par la réglementation et qu'elle doive être réalisée par un vétérinaire sanitaire, les dommages commis à l'occasion de cette intervention ne sont pas de la responsabilité de l’État.

Retrait de l'indemnité d'abattage

19/07/2012

1- Le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État d'une question prioritaire de constitutionnalité, s'est prononcé (2012-266 QPC) sur la validité des dispositions de l'article L221-2 du CRPM qui prévoit que le ministre de l'agriculture peut refuser le bénéfice de l'indemnité versée en cas de décision administrative d'abattage d'animaux malades quand des infractions aux règles zoosanitaires ont été constatées.

2- Selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, l'indemnité versée en cas de décision administrative d'abattage d'animaux malades en application de l'article L. 221-2 du code rural et de la pêche maritime constitue un droit pour leur propriétaire ; ce droit, naissant de la décision d'abattage, peut être retiré en tout ou partie au propriétaire qui a commis une infraction aux dispositions du Titre II du Livre II du code rural et de la pêche maritime et aux règlements pris pour leur application ; la décision administrative de retrait d'indemnité constitue une sanction ayant le caractère d'une punition.

3 – Cette sanction administrative étant susceptible de se cumuler avec les sanctions pénales prévues aux articles L. 228-1 et R. 228-1 du code rural et de la pêche maritime le conseil constitutionnel rappelle que le principe d'un tel cumul n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines.

4 - Toutefois, lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence.

5 - Mais le Conseil détecte un risque de rupture d'égalité devant la loi. En effet, si la décision de retrait de l'indemnité pouvait résulter d'une infraction, par le propriétaire, aux règles zoosanitaires susmentionnées sans que cette infraction ait contribué à la situation à l'origine de l'abattage de ses animaux, deux propriétaires ayant commis le même manquement à ces règles seraient traités de manière différente en raison d'une cause étrangère au comportement de l'un d'eux qui a entraîné l'abattage des animaux. Il en serait ainsi, par exemple, si deux propriétaires n'ayant pas réalisé la notification de leurs naissances, l'un dont le cheptel aurait été contaminé par un animal sauvage, se verrait retirer le bénéfice des indemnisations, alors que l'autre serait pas soumis à cette même punition.
6 - Il en déduit foret logiquement que la décision de perte d'indemnité ne saurait être prononcée à l'encontre d'un propriétaire que s'il est établi que l'infraction aux règles zoosanitaires qui justifie cette décision a contribué à la situation à l'origine de l'abattage des animaux.

7 – Ainsi

- l'indemnisation d'abattage, contrairement aux subventions prévues au dernier alinéa de l'article L221-2, est un droit du propriétaire des animaux abattus ;

- le refus de versement doit être décidé par le ministre ;

- dans l'hypothèse ou les infractions, qui doivent parallèlement être établies par un procès-verbal transmis au Parquet, sont poursuivies, la sommes des sanctions ne peut dépasser le montant le plus élevé des sanctions administratives ou pénales ; il appartient à celui qui prend la seconde décision d'en tenir compte ;

- le retrait de l'indemnité ne peut survenir que s'il est établi un lien de causalité entre les infractions constatées et l'infection à l'origine de l'abattage. Cela peut être le cas en cas de non réalisation de contrôle d'introduction mais certainement pas sur des défauts de notification de mouvement ;

- les infractions retenues à l'appui de la décision de retrait de l'indemnité doivent avoir été commises par le propriétaire des animaux.