L'action de l'autorité publique en matière de santé publique animale et végétale utilise quatre outils juridiques principaux:
Les mesures de police administrative réglementaires, dites "générales et impersonnelles" en ce sens qu'elles s'appliquent à toutes les situations de même nature,
et
les mesures de police administrative individuelles, qui prennent en compte une situation particulière à un moment ou un endroit donné, pour une ou plusieurs personnes identifiées ou identifiables,
sont des mesures qui visent à restreindre les libertés (et notamment la liberté du commerce et de l'industrie) pour protéger l'ordre public et particulièrement la santé publique.
Parce qu'elles sont attentatoires aux libertés publiques, les mesures de police sont, dans les régimes démocratiques, soigneusement encadrées et placées sous le contrôle du juge. En France les mesures de police administratives sont sous le contrôle du juge administratif en application, pour grande partie historique, du principe de séparation des pouvoirs.
Cet encadrement se manifeste par la nécessité de respecter des règles de forme et de fond lors de l'édiction d'une mesure de police administrative faute de quoi elle pourra être suspendue ou annulée et donner lieu à des mesures d'indemnisation du préjudice subi.
Les mesures de police prises dans le cadre de la santé publique agronomique et vétérinaire touchent essentiellement les activités de production agricole végétales et animales, les activités de commerce des animaux et des végétaux et les activités de production de denrées alimentaires. C'est donc la liberté d'entreprendre, appelée liberté du commerce et de l'industrie, qui est la première concernée par ces restrictions. De même le droit de propriété est fréquemment restreint par ces mesures de police.
Mais certaines mesures peuvent également toucher la liberté de circulation, la liberté religieuse voire celle de détenir un animal.
La formule consacrée de la «liberté du commerce et de l'industrie», que le Conseil constitutionnel depuis une décision de 1982 appelle également «liberté d'entreprendre», prend sa source dans
Ce sont ces deux textes qui constitueront les premières normes écrites de référence des tribunaux. Ainsi, le Conseil d'État confirmera la condamnation comme «privilège exclusif et contraire aux lois sur la liberté du commerce» de la décision de la ville de Montauban se réservant la vente de morue et autres poissons dessalés sous sa halle et la concédant à un particulier (18 décembre 1882).
Le Conseil d'État, dans un arrêt du 22 juin 1951 (Daudignac), après avoir cité ce texte dans ses visas, a déclaré contraire à «la liberté de l'industrie et du commerce garantie par la loi» la soumission à autorisation préalable par un maire de l'activité de photographe-filmeur.
Le Conseil d'État censurera le 22 mai 1896 un arrêté municipal établissant un monopole au profit de l'abattoir d'une commune pour violation du «principe de la liberté du commerce et de l'industrie inscrit dans la loi des 2,17 mars 1791».
Cependant comme le dit la loi des 2-17 mars 1791 la liberté du commerce et de l'industrie ne dispense nullement de se conformer aux règlements de police. Ainsi l'ordre public peut prendre le pas sur la liberté du commerce dans une balance que le juge administratif veillera à maintenir équilibrée.
La Spav est très souvent amenée à restreindre la liberté du commerce et de l'industrie par exemple en soumettant une activité d'élaboration de denrées alimentaires à une autorisation (agrément), en interdisant le commerce des animaux ou des végétaux contagieux, en imposant que les animaux soient identifiés ou que le transport des animaux soit réalisé par une personne ayant reçu une formation.
Le droit de propriété bénéficie d'une protection particulière en droit français, puisqu'il est visé dans la déclaration des droits de l'homme, qui a valeur constitutionnelle : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
L'intérêt particulier du propriétaire a reculé devant l'intérêt social. De droit inviolable et sacré, la loi et la jurisprudence en ont fait un droit relatif. Ainsi la loi a imposé, en raison de l'intérêt général, des restrictions au propriétaire. Que l'on pense aux règlements d'urbanisme qui empêchent un usage libre de la propriété foncière ou au droit de l'environnement qui restreint l'usage des spécimens protégés.
L'activité administrative de santé publique agronomique et vétérinaire porte atteinte au droit de propriété notamment par les ordres de destruction des végétaux, d'abattage des animaux ou de destruction de denrées. Cependant, la "saisie" ou décision de retrait de la consommation humaine, de même que la consigne des produits, ressortissent sans doute plus à des atteintes à la liberté du commerce.
La liberté de circulation ou liberté d'aller et venir est un droit qui n'est établi que de façon jurisprudentielle. Le Conseil constitutionnel a jugé le 12 juillet 1979 que la liberté d’aller et venir est un principe à valeur constitutionnelle et le 5 août 1993 que des nécessités d’ordre public justifient que soit portée atteinte à ce principe. Les restrictions portées à ce droit doivent êtres justifiées et adaptées.
C'est essentiellement lors d'épizootie, tout particulièrement de fièvre aphteuse, qu'il peut être porté atteinte, pour des motifs de santé publique agronomique et vétérinaire, à la libre circulation des personnes en interdisant temporairement certains passages de personnes, vecteurs de contagion.
Inscrite à l'article 18 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, reprise par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (art. 9) la liberté religieuse se confronte avec les principes de protection animale dans le cadre de l'abattage rituel.
La liberté du commerce et de l'industrie
Le droit de propriété
La liberté de circulation
La liberté religieuse
La mesure de police, par nature attentatoire aux libertés publique, doit être écrite.
Il y va de l'intérêt tant de l'administration que l'administré. En effet l'écrit est le mode le plus simple de preuve de l'existence de l'acte et de l'exacte nature de son contenu et de sa portée. Un acte oral est la source non seulement d'abus de pouvoir voire d'arbitraire, mais aussi de non respect de la mesure dont on dira qu'elle n'a pas été formulée suffisamment clairement.
Si un acte non écrit peut exister, telle la décision implicite ou la décision orale urgente, il ne peut se maintenir efficacement sans passer soit par une expression écrite, soit par une reconnaissance écrite.
Ce n'est, en règle quasi-générale, que sur une mesure écrite, que des poursuites pour non respect pourront être conduites.
De même, c'est par écrit, et en le plus souvent en produisant la décision contestée, qu'est engagée la procédure devant un tribunal administratif.
Enfin, ce n'est que par l'écrit que la mesure pourra être signée (L212-1 du CRPA) et motivée (L211-5 du CRPA), conditions absolues de sa légalité .
Cependant cette exigence n'empêche pas la dématérialisation comme le prévoient les articles L212-2 et L212-3 du CRPA.
En matière de santé publique agronomique et vétérinaire, il existe cependant des situations où une mesure de police n'est pas immédiatement écrite.
Classiquement le retrait de la consommation (ou "saisie") ou encore la consigne est effectif dès le prononcé de la décision réalisé à "haute et intelligible voix". Cependant cette décision sera suivie aussi tôt que possible de sa rédaction et de sa notification à l'intéressé.
De même, en situation épidémique, des mesures de claustration ou de restriction de circulation peuvent être prises dans l'urgence et signifiées oralement. Mais là aussi, il conviendra de remplacer dès que possible cette notification orale par la communication d'un écrit.
Exemples de décisions orales ayant fait l'objet d'un contentieux:
Une décision d'un maire de refus d'inhumation;
Une décision de gestion du personnel au ministère des finances;
Une décision de gestion du personnel des tribunaux;
Une décision de gestion des personnels des postes et télécommunication.
Principe
Discussion
Jurisprudences
Principe
l'absence de date d'une mesure de police n'est pas de nature à entacher sa légalité. Cependant la décision ne produira d'effet qu'à compter du moment ou sa date sera certaine. Cela peut être le résultat de la prise en compte de la date de publication ou la date de notification ou tout autre acte démontrant l'existence de la décision.
Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (article L212-1 du code des relations entre le public et l'administration).
Cette mention est une condition de la légalité de l'acte au motif qu'il faut pouvoir s'assure que la personnes ayant pris la décision dispose de la compétence requise et qu'elle a expressément consenti à cette décision.
Il peut y être dérogé
Aucune dérogation n'est prévue spécifiquement pour les décision de santé publique agronomique et vétérinaire.
Principe
Dérogation
Principe
Il est évident qu'en régime démocratique seule une obligation qui a été portée à la connaissance de celui à qui elle s'applique peut lui être opposable. Cette information est faite de diverses façons:
- par la publication, désormais quasi systématiquement dématérialisée, dans un journal officiel (européen, national), un bulletin officiel (ministériel, préfectoral ou d'une collectivité locale);
- par un affichage (en mairie par exemple) ;
- par une publication dans un journal spécialisé (BOAMP par exemple) ou dans un journal grand public;
Ainsi les mesures de police administrative, qui doivent être rendues opposables aux personnes qu'elles concernent, doivent être systématiquement portées à connaissance. Ces actes entreront en vigueur à compter du lendemain s'agissant d'une publication (article 1er du code civil), et au moment même s'agissant d'une notification.
La conséquence d'une absence de notification ou de publication n'est pas l'illégalité de la mesure mais son absence d'opposabilité à la personne non informée. Ainsi une mesure qui concerne plusieurs personnes mais notifiée seulement à certaines d'entre elles leur sera opposable mais pas aux autres. De plus les délais de recours contre une décision ne commencent bien sûr à courir qu'à compter de la notification ou du lendemain de la publication.
La preuve de cette publication ou notification doit être établie et conservée par l'administration car elle devra la produire lorsqu'elle engagera les conséquences de droit de l'acte considéré.
En matière de santé publique agronomique et vétérinaire, il arrive assez fréquemment que les mesures administratives individuelles ayant un caractère d''urgence telles la décision de fermeture d'un établissement ou un arrêté préfectoral de mise sou surveillance ou une consigne soit notifiée par remise directe par un agent à l'intéressé.
La preuve de la notification se fera alors par émargement par l'intéressé d'une copie de l'acte qui sera conservée au dossier. En cas de refus d'émargement, la mention en sera portée par l'agent sur la copie avec la date, l'heure et sa signature.
Conséquences
Application pratique
Principe
Comme tout acte juridique d'un État de droit, les mesures de police doivent être fondées en droit, c'est-à-dire appuyées sur des textes qui autorise l'administration à prendre les mesures de restriction des libertés publiques objets de la mesure.
L'article L211-5 du CRPA impose la motivation en droit des décisions administratives individuelles défavorables dont font partie les mesures de police administratives individuelles.
Cette motivation se concrétise par l'énoncé, dans les visas de l'acte :
Les mesures réglementaires de police administrative n'ont pas à être motivées en droit, même s'il est de bonne administration de mentionner, dans les visas de l'acte, les textes qui fondent le pouvoir et qui habilitent l'auteur.
Ainsi
Exemples
Principe
Les actes de police individuels doivent être appuyés sur des circonstances de fait qui justifient que l'autorité administrative restreigne les libertés publiques. C'est la motivation en fait imposée par l'article L211-5 du CRPA .
Elle est habituellement exposée dans l'acte après les visas au moyens de "considérant". Ces considérants doivent décrire précisément la situation qui motive la décision de l'administration en évitant toute formulation générale et impersonnelle.
Le cas échéant les motifs peuvent être indiqués dans un document joint (lettre d'accompagnement, rapport d'inspection, etc.) ou se référer à ce document. Ces documents font alors partie de la décision et doivent être notifiés aux intéressés comme l'est la décision.
Un retrait de la consommation d'une denrée dont la date limite de consommation est dépassée ne sera pas rédigée:
"considérant que la date limite de consommation est dépassée"
mais indiquera la date figurant sur l'étiquetage :
"Considérant que la date limite de consommation figurant sur l'étiquette du paquet de 6 saucisses de la marque Machin est le 18 juillet 2016 désormais dépassée;"
Exemple
Principe
L'article R421-5 du code de justice administrative dispose que "les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision."
Ce délai est habituellement de deux mois et les voies de recours sont généralement le pourvoi devant le tribunal administratif du lieu où a été prise la décision.
L'absence de cette indication ne rend pas la décision illégale mais rend le délai de reccours inopposable.
Un arrêt d'assemblée du Conseil d’État du 13 juillet 2016 (387763) a cependant jugé qu'en vertu du principe de sécurité juridique, ce délai ne pouvait être indéfini et qu'en règle générale il se devait se limiter à une année.
Principe
Le principe de proportionnalité, au cœur du contrôle de légalité réalisé par le juge administratif sur les actes de police, est un principe d'adéquation des moyens au but recherché. Toute restriction apportée à l’exercice des libertés individuelles au nom de l’ordre public doit être mesurée et nécessaire. « La liberté est la règle et la restriction de police, l’exception »est le guide de la jurisprudence du Conseil d’État en matière de police.
Il en résulte par exemple que l’interdiction d’une procession funéraire sur la voie publique ou d’une réunion publique ne peut être légalement prononcée que lorsque les troubles à l’ordre public présentent un degré de gravité tel qu’aucune autre mesure ne pourrait assurer la sauvegarde cet ordre.
En matière de santé publique agronomique et vétérinaire, le juge recherchera si la situation justifie que pour protéger l'ordre public ou la santé publique on procède par exemple
- à la destruction d'un lot de végétaux plutôt qu'à sa mise en quarantaine et son traitement;
- à la destruction d'un lot présenté à l'importation plutôt qu'à son refoulement vers le pays d'origine
- à la fermeture d'un établissement de restauration plutôt qu'à la mise en demeure de son responsable;
- à l'abattage d'animaux malades plutôt qu'à leur isolement et vaccination;
- à l'euthanasie d'un animal plutôt qu'au retrait de sa garde.
Bien sûr il appréciera à cette occasion la liberté qu'avait l’administration de choisir entre diverses solutions. Parfois les textes n'offrent pas d'alternative comme par exemple l'envoi à l'abattoir des bovins non identifiés.
NOTE:
Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt du 12 octobre 2016 " qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur et aujourd'hui codifié à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; que si ces dispositions imposent qu'une décision écrite prise par une des autorités administratives au sens de cette loi comporte la signature de son auteur et les mentions prévues par cet article, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'imposer que toute décision prise par ces autorités administratives prenne une forme écrite."
En voir l'application pratique à une mesure de police municipale par le tribunal administratif de Cholet le 28 avril 2020.