03/06/2019
Il incombe au ministre, dans l'hypothèse où il estime qu'une substance inscrite sur la liste des substances actives autorisées qui constitue l'un des composants d'une préparation ne remplit pas, dans cette préparation, l'une des fonctions qui caractérisent une "substance active", de l'établir, faute de quoi sa décision d'autorisation de mise sur le marché est entachée d'erreur de droit.
1 - L'Union Nationale de l'Apiculture Française (UNAF) a demandé au ministre d'abroger l'autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique " Cheyenne ", destiné à traiter le sol contre les taupins du maïs, du maïs doux et du sorgho, délivrée le 19 mars 2012. Elle a fait appel du jugement du tribunal administratif qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de refus du ministre.
2 - La Cour administrative d'appel de Lyon a jugé le 4 juin 2019 (17LY00929) qu'il résulte des articles 2 et 29 du règlement 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et du A de l'annexe au règlement 546/2011 du 10 juin 2011 relatif aux principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, que le ministre de l'agriculture ne peut autoriser la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique que si les substances actives contenues dans ce produit sont inscrites sur la liste communautaire des substances actives autorisées ou bénéficient d'une dérogation prévue par la réglementation communautaire, et après que l'instruction de la demande d'autorisation a établi l'innocuité, l'efficacité et la sélectivité du produit. L'interaction entre la substance active, les phytoprotecteurs, les synergistes et les coformulants doit être également prise en compte lors de l'évaluation des produits phytopharmaceutiques.
3 - Il incombe au ministre, dans l'hypothèse où il estime qu'une substance inscrite sur la liste des substances actives autorisées qui constitue l'un des composants d'une préparation ne remplit pas, dans cette préparation, l'une des fonctions qui caractérisent une des " actions générales ou spécifiques " mentionnées ci-dessus et qu'elle n'y est donc pas " active ", de l'établir, faute de quoi sa décision est entachée d'erreur de droit. A la date à laquelle la préparation Cheyenne a bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché et à celle à laquelle a été prise la décision contestée de refus d'abrogation de cette autorisation, il revenait à l'ANSES de procéder à une évaluation complète des risques que ce produit peut présenter pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement, en tenant compte, le cas échéant, des effets synergiques entre la substance active et les autres substances entrant dans la composition du produit lorsque leur prise en compte est pertinente pour l'évaluation de ces risques.
4 - Il résulte des mentions de la fiche de données de sécurité du produit Cheyenne que cette préparation comporte deux composants désignés comme " dangereux ". Ces composants sont, d'une part, la " clothianidine ", appartenant à la famille des néonicotinoïdes, pour 0,7 % du poids de la préparation et, d'autre part, le " silico aluminate " (silicate d'aluminium ou kaolin) pour moins de 5 % de sa masse pondérale, cette dernière substance étant inscrite sur la liste des substances actives autorisées par le règlement 540/2011 du 25 mai 2011 lorsqu'il est utilisé en la seule qualité de répulsif. Il ne peut, dans ces conditions, être contesté que le silicate d'aluminium est susceptible de présenter les caractéristiques d'une substance active d'un produit phytopharmaceutique.
5 - Dans son avis du 5 décembre 2011, l'ANSES ne fait aucune mention de la présence de silicate d'aluminium dans la préparation "Cheyenne. Cet avis, qui se borne à n'étudier les effets de cette préparation qu'au regard des effets de la clothianidine, considérée comme seule substance active, ne comporte aucune analyse des effets de la présence du silicate d'aluminium dans la préparation "Cheyenne" ", ni en qualité de substance active, ni en celle de coformulant.
6 - Il y a donc lieu de considérer que l'étude à laquelle s'est livrée l'ANSES, sur le fondement de laquelle le ministre a autorisé la mise sur le marché de la préparation " Cheyenne " repose sur une évaluation incomplète des effets de cette préparation qui n'est pas conforme à celle qu'exige réglementation.
7 - La Cour d'appel conclut que l'UNAF est fondée à soutenir que la décision par laquelle le ministre a rejeté sa demande d'abrogation de l'autorisation de mise sur le marché de la préparation " Cheyenne " est entachée d'erreur de droit et, par voie de conséquence, que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a refusé d'en prononcer l'annulation.