Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
Jurisprudences relatives à la santé végétale

L'interdiction française des néonicotinoïdes

30/07/2019

Le Conseil d’État, saisi de trois demandes d'annulation du décret 2018-675 fixant la liste des substances néonicotinoïdes interdites d'emploi en France, reporte sa décision dans l'attente de la réponse de la Cour européenne de justice à ses questions sur la procédure par laquelle un État membre peut prendre ce type de mesures nationales.

1 - L'Association générale des producteurs de maïs demande au Conseil d’État d'annuler pour excès de pouvoir le décret 2018-675 du 30 juillet 2018 relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques, en tant qu'il inscrit le thiaclopride dans la liste des substances de la famille des néonicotinoïdes faisant l'objet de l'interdiction d'emploi de  l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Elle soutient que le II de cet article, pour l'application duquel le décret attaqué a été pris, méconnaît les dispositions du règlement 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

 

2 - Le Conseil d’État considère qu'il résulte,

- d'une part, des dispositions des articles 5 et 6 de la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, qu'à l'instar de la procédure d'urgence prévue aux articles 69 et 71 du règlement du 21 octobre 2009, l'Etat membre doit informer la Commission européenne et les autres Etats membres des éléments relatifs aux motifs de santé publique, de protection des consommateurs ou de l'environnement qui justifient de limiter la commercialisation ou l'utilisation d'une substance, d'une préparation ou d'un produit chimique. En l'absence d'une demande de la Commission européenne tendant au report de l'adoption du projet notifié de règle technique, notamment lorsqu'elle fait part de son intention de proposer ou d'adopter une directive, un règlement ou une décision conformément à l'article 6.3, l'Etat membre peut, au bout de trois mois à compter de sa notification, adopter définitivement le projet;

- d'autre part, des dispositions des articles 69 et 71 du règlement du 21 octobre 2009 que si, à la suite de l'information officielle d'un Etat membre de la nécessité de prendre des mesures d'urgence visant à interdire l'utilisation d'un produit ou d'une substance active, la Commission européenne s'abstient de prendre de telles mesures, l'Etat membre peut prendre des mesures conservatoires provisoires jusqu'à l'adoption de mesures communautaires.

 

3 - Dès lors le Conseil d'Etat considère que la solution de cette affaire dépend de la réponse aux questions préjudicielles suivantes :

- lorsqu'une mesure nationale visant à restreindre l'utilisation de substances actives a été formellement notifiée à la Commission sur le fondement de l'article 5 de la directive 2015/1535/UE du 9 septembre 2015 avec toutefois une présentation des éléments qui conduisent l'Etat membre à considérer que la substance est susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou l'environnement et que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante, en l'état de la règlementation, que par des mesures prises par l'État membre, présentation suffisamment claire pour que la Commission ne puisse se méprendre en rattachant le fondement de la notification au règlement 1107/2009 du 21 octobre 2009, appartient-il alors à la Commission européenne de regarder cette notification comme ayant été présentée au titre de la procédure prévue aux articles 69 et 71 de ce règlement et de prendre, le cas échéant, des mesures d'instruction supplémentaires ou des mesures répondant tant aux exigences de cette réglementation qu'aux préoccupations exprimées par cet Etat membre;

- dans l'hypothèse où la réponse à cette question serait positive, les règlements d'exécution 2018/783, 2018/784 et 2018/785 du 29 mai 2018 interdisant l'utilisation des substances thiaméthoxame, clothianidine et imidaclopride, à compter du 19 décembre 2018, à l'exception des traitements pour les cultures sous serre permanente des plantes effectuant l'intégralité de leur cycle de vie dans une telle serre, doivent-ils être regardés comme des mesures prises en réponse à une demande formulée par la France le 2 février 2017 tendant à l'interdiction générale de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits;

- en cas de réponse positive à cette dernière question, que peut faire l'Etat membre ayant demandé à la Commission, sur le fondement de l'article 69 du règlement n° 1107/2009, de prendre des mesures visant à restreindre ou interdire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits, si celle-ci n'accède que partiellement à sa demande en ne restreignant l'utilisation que de trois substances de la famille des néonicotinoïdes.

 

4 - Le Conseil d'Etat, surseoit à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur ces questions préjudicielles.