Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
Jurisprudences relatives à la santé végétale

La compétence du maire sur les produits phytopharmaceutiques

07/11/2019

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi en référé, a jugé le 8 novembre 2019 (1912597) qu'un maire a pu à bon droit considérer que les habitants de sa commune étaient exposés à un danger grave, justifiant qu’il prescrive des mesures d'interdiction d'usage de produits phytosanitaires. Le tribunal administratif de Rennes avait jugé l'inverse le 27 août 2019.

2. Par un arrêté en date du 13 juin 2019, le maire de la commune de Gennevilliers a interdit l’utilisation du glyphosate et de produits phytopharmaceutiques à l’exception des produits à faible risque ou des produits qui n’ont pas fait l’objet de classement, autorisés en agriculture biologique et de bio-contrôle, pour l’entretien de certains espaces définis à son article 2. Par un courrier du 18 juillet 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a adressé ses observations au maire et lui a demandé de retirer son arrêté. Par un courrier signé conjointement avec le maire de la commune de Sceaux, reçu le 4 septembre 2019, le maire de la commune de Gennevilliers a refusé de faire droit à cette demande. Par la présente requête, le préfet des Hauts-de-Seine demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l’arrêté précité.

 

(…/…)

 

8. (…/…) La police spéciale relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques a été attribuée au ministre de l’agriculture. S’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières.

 

9. Il ne saurait être sérieusement contesté que les produits phytopharmaceutiques visés par l’arrêté en litige, qui font l’objet d’interdictions partielles mentionnées à l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime précité, constituent un danger grave pour les populations exposées, notamment celles mentionnées au I de ce même article et définies à l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ou celles présentes à proximité des espaces et lieux mentionnés à l’article L. 253-7-1 du même code. La commune de Gennevilliers, qui compte plus de 46 000 habitants, soutient qu’elle subit une pollution considérable du fait des infrastructures majeures de transport présentes sur son territoire et que l’arrêté attaqué limite l’interdiction des produits phytopharmaceutiques qu’il liste à l’entretien des jardins et espaces verts des entreprises, des copropriétés, des bailleurs privés et privés sociaux, des voies ferrées et des tramways et leurs abords, des abords des autoroutes et routes qui la traversent, où l’usage de ces produits est encore autorisé. La commune se prévaut, en outre, de l’importance des populations vulnérables sur son territoire et notamment celles accueillies dans ses treize écoles, trois collèges et un lycée et dans l’établissement de santé spécialisé en rééducation fonctionnelle. Il est constant également que, par une décision 415426-415431 du 26 juin 2019, le Conseil d’État statuant au contentieux a annulé l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, notamment en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques, après avoir considéré que ces riverains devaient être regardés comme des « habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme », au sens de l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 et rappelé qu’il appartient à l’autorité administrative de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique. Dans ces conditions, eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits que l’arrêté attaqué interdit sur le territoire de la commune de Gennevilliers et en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale, le maire de cette commune a pu à bon droit considérer que les habitants de celle-ci étaient exposés à un danger grave, justifiant qu’il prescrive les mesures contestées, en vertu des articles L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2212-4 précités du code général des collectivités territoriales, et ce alors même que l’organisation d’une police spéciale relative aux produits concernés a pour objet de garantir une cohérence au niveau national des décisions prises, dans un contexte où les connaissances et expertises scientifiques sont désormais largement diffusées et accessibles.

 

10. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le maire de la commune de Gennevilliers était incompétent pour prendre l’arrêté attaqué et de ce qu’ont été méconnues les dispositions des articles L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, des articles L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2212-4 précités du code général des collectivités territoriales et les stipulations de l’article 11 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté.