Droit de la santé publique animale et végétale
Droit de la santé publique animale et végétale
Jurisprudences relatives à la santé végétale

Le principe de précaution au secours des abeilles

28/11/2019

Le tribunal administratif de Nice a considéré le 29 novembre 2019 (1704687) que le directeur de l'ANSES n'avait pas respecté le principe de précaution en autorisant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques « Transform » et « Closer » sans les assortir d'obligations pour les utilisateurs de nature à suffisamment protéger les insectes.

 

En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, (.../...) il découle du principe de précaution consacré par ces dispositions que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Une application correcte de ce principe présuppose l’identification des conséquences potentiellement négatives d’un produit et une évaluation complète du risque fondée sur les données scientifiques les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale. Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives.

 

L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a autorisé la mise sur le marché des insecticides « Transform » et « Closer », composés de sulfoxaflor et classés dans la catégorie des sulfoximines. Il est constant que ces insecticides ont pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes. Les études scientifiques menées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, la commission européenne ainsi que des organisations non gouvernementales ont identifié des risques importants de toxicité pour les insectes pollinisateurs. Ainsi, les conclusions de l’évaluation relative à la demande d’autorisation de mise sur le marché publiées par l’ANSES le 26 juin 2017 font état de la dangerosité des produits « Transform » et « Closer » pour la faune auxiliaire et les insectes pollinisateurs lors d’un usage sous abri. En outre, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a relevé des risques élevés pour les abeilles et les bourdons lors de l’utilisation de sulfoxaflor dans ses rapports publiés le 11 mars 2015 et le 26 février 2019. Si l’ANSES et la société Dow Agrosciences font valoir que l’utilisation de l’insecticide est assortie de mesures d’atténuation des risques, telles que l’absence d’application du produit durant la période de floraison, ces mesures ne peuvent être regardées comme suffisantes dès lors qu’elles présentent une portée générale et ne sont assorties d’aucune obligation pour les utilisateurs du produit. Dans ces conditions, l’existence d’un risque pour les pollinisateurs doit être regardée comme une hypothèse suffisamment plausible en l’état des connaissances scientifiques. Par suite, en autorisant la mise sur le marché des produits « Transform » et « Closer », le directeur de l’ANSES a méconnu le principe de précaution ainsi que l’article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009.